La notion de fin dans ''A Rebours'' de Joris-Karl Huysmans
Auteur / Autrice : | Jérôme Solal |
Direction : | Patrick Wald Lasowski |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Lettres modernes |
Date : | Soutenance en 2001 |
Etablissement(s) : | Littoral |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Unité de recherche sur l’histoire, les langues, les littératures et l’interculturel (Boulogne-sur-Mer, Pas-de-Calais) |
Jury : | Président / Présidente : André Guyaux |
Examinateurs / Examinatrices : Jean-Michel Raynaud | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Pierre Glaudes, Jean-Luc Steinmetz |
Résumé
La notion de fin est d'emblée définie comme spation-temporelle. Elle exprime la limite (frontière et confins, finitude et finalité), et convoque les aspirations à l'au-delà de cette limite. Notre recherche se propose d'envisager le roman ''A Rebours'' au regard de cette notion, afin de mettre en évidence l'évènement dont Huysmans fait le récit. Ce qui prend fin avec le geste de départ vers une retraite, c'est le siècle, c'est-à-dire le monde. Le personnage qui s'en sépare en finit avec la nature, et avec les valeurs de la modernité ; en ce sens, ''A Rebours'' est bien le roman fin de siècle par excellence. Mais ceci n'est encore que prélude à l'évènement. L'installation dans la thébaïde de Fontenay instaure la refonte de l'espace désormais intériorisé en un ''ici''. Des Esseintes y expérimente toute une gamme d'artifices, au premier rang desquels la solitude radicale de sa nouvelle existence. Il tisse de nouveaux fils téléologiques qui déroulent le principe de gratuité. Désormais invisible, il assume les prérogatives d'une logique décadente, et fait valoir un désir de possibilités où s'affirme la pleine souveraineté du moi. Séparé, hors généalogie, hors normes, il joue incognito. Baignant dans le loisir capricieux, le personnage, masque et figure, accède solitairement à la plus haute liberté intérieure, et devient roi. Pourtant ce suprême couronnement du sujet est aussi une destitution. Ainsi, l'événement se profile : des Esseintes est défait de son humaine identité. Il est ''désessentialisé''. Individualité et maîtrise lui sont refusées dès lors que l'espace-temps (l' ''ici-maintenant'') s'effondre. Le lieu implose en effet d'être tout et partout ; pour être vécu sous le mode de ''l'éternité du jamais'', le présent n'apporte que l'asphyxie de l'ennui. Ce n'est qu'à la fin de l'aventure, à la faveur d'une apocalypse décevante, que des Esseintes retrouvera le chemin du dehors (le ''là-bas'') et l'horizon de l'Histoire. Tel est l'apport d'A Rebours à la modernité, apport que les autres oeuvres de Huysmans approfondissent ou rectifient : sur un mode encore naturaliste, mais travaillé par l'inquiétude mallarméenne, Huysmans suggère que le nihilisme guette le sujet omnipotent. Il porte le langage à la frontière de ses pouvoirs et, proposant la saisie du monde de la ''métaphysis'', il tente une représentation du secret de la séparation. Ou plutôt il nous en livre les ''reliefs''.