Thèse soutenue

Langage oblique et recomposition d'univers dans l'écriture poétique de Jules Supervielle : étude stylistique fondée sur les poèmes de Gravitations (1932), La Fable du monde (1938), Oublieuse mémoire (1949) et les Récits de l'Enfant de la haute mer (1931), L'Arche de Noé (1938)

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Auteur / Autrice : Laurence Aubry
Direction : Georges Molinié
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Littérature française
Date : Soutenance en 1999
Etablissement(s) : Paris 4

Mots clés

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Résumé

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L'œuvre de Jules Supervielle, poète français contemporain des surréalistes, n'a pas encore trouvé sa juste place au sein du panthéon littéraire. Elle appartient à un continent ignoré de la modernité poétique trop souvent identifiée à la quête herméneutique de la face cachée du réel dont l'expression passe essentiellement par les figures de l'analogie. Or, plus qu'à découvrir l'inconnu, l'écriture de Jules Supervielle vise à restaurer les passages qui permettent d'y accéder : aussi propose-t-il au lecteur une image modifiée de la réalité commune, une vision recomposée de l'univers qui en réveille les potentialités relationnelles et conciliatrices. Sa poésie, qu'elle adopte la forme versifiée ou s'épanche dans la prose du récit bref, marie le lyrisme et le narratif, trouvant dans la relation de contiguïté le fil d'une autre logique : le langage oblique offre une alternative entre l'expression métaphorique et le discours réaliste, endiguant les dérives de l'imaginaire afin que la dérive, sans s'interdire les détours de la fantaisie, soit toujours dirigée. Dénotation oblique et glissements notionnels permettent de donner à voir le monde à travers le prisme particulier d'un sujet soucieux de conserver avant tout à son univers sa qualité relationnelle. La métonymie est ainsi le maillon essentiel du langage figure chez Jules Supervielle : tropes par contiguïté et figures d'analogie se continuent, se mêlent, se relaient et s'articulent afin de délivrer l'image incertaine d'un monde aux frontières diluées par l'osmose et prises dans l'instabilité d'incessantes métamorphoses. La dimension symbolique de l'image comme la portée métapoétique du message ressortissent également à la contiguïté : n'est emblématique chez Supervielle que ce qui est la proie du passage, l'objet, le siège, le moyen ou la manifestation d'une relation. C'est en cela que l'écriture, médiation qui tient à la fois de l'acte et du simulacre, est icone : au miroir du texte se reflète en abyme cet entre-deux de la présence et de l'absence que désigne une parole comme vive dont n'est sensible que la trace. Le langage oblique du poète est l'emblème de cet espace intermédiaire où se mêlent le réel et l'imaginaire, l'action et la vision : il le recompose dans l'espoir d'y déceler, à défaut du mystère de l'être, du moins les présages ou le sillage.