Une correspondance missionnaire au XVIe : la lettre jésuite du Brésil, 1549-1568, Ecriture et ''Réduction''
Auteur / Autrice : | Jean-Claude Laborie |
Direction : | Frank Lestringant |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Littérature française |
Date : | Soutenance en 1999 |
Etablissement(s) : | Lille 3 |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Résumé
Cette étude propose une analyse de la correspondance des missionnaires jésuites, envoyés au Brésil entre 1549, la date de l'ouverture de la mission, et 1568, quand cette dernière est reprise en main. Ces lettres, les seuls documents sur cette période de l'histoire brésilienne, sont souvent tenues pour de simples rapports. Ils constituent cependant un texte opaque parce que rédigé par des hommes coupés de tout soutien politique ou financier, qui eurent à adapter le peu qu'ils savaient à un monde inconnu. Nous leur reconnaissons tous les caractères de l'épistolarité jésuite parce qu'elles sont encadrées par les contraintes de forme et de contenu propres à toute la correspondance interne de l'Ordre. Elles remplissent leur fonction première en devenant le lieu unique de la reconstitution identitaire autour des critères fondateurs de la Compagnie. Mais elles sont aussi singulières parce qu'elles sont également des instruments de la stratégie propre d'une mission abandonnée par ses autorités de tutelle traditionnelles, et surtout traversée par de rudes conflits internes. La tension, parfaitement perceptible, entre la norme collective et l'expression de la singularité, est au centre des lettres qui produisent, pour satisfaire ces exigences contradictoires, une fiction compensatrice satisfaisante pour tous, celle d'un succès de l'évangélisation au Brésil. Ces textes problématiques au sein de la Compagnie vont faire l'objet d'une entreprise de reconstruction, de ''réduction'', de la part de l'historiographie jésuite elle-même. Des anthologies de lettres édifiantes au travail monumental de l'historien jésuite Serafim Leite, il s'agit toujours de reconduire cette parole missionnaire dans les voies de Dieu, en la faisant servir à l'écriture d'autres histoires, plus vastes et plus officielles. En comparant ces diverses versions, nous constatons paradoxalement toutes les résistances, à l'intérieur de la correspondance, à une simplification trop radicale. Les lettres révèlent enfin, parce qu'elles l'écrivent, toute la souffrance qu'il y a à essayer d'incarner une perfection douloureuse et nécessaire.