La musique pour piano de Françis Poulenc ou le temps de l'ambivalence
Auteur / Autrice : | Franck Ferraty |
Direction : | Jésus Aguila |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Musique |
Date : | Soutenance en 1998 |
Etablissement(s) : | Toulouse 2 |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Résumé
Intermittent du spectacle, le piano poulencquien déconcerte par son fol éclectisme. Pourquoi un tel morcellement ? Traumas primitifs, cyclothymie, libido perturbée constituent les indices d'une personnalité ambivalente. Le sujet résonnant, clive, tente de contenir les morceaux épars d'une unité menacée : entre articulation et désarticulation du langage tonal, sa psyché balance. Pour s'essayer et s'écouter, le musicien se colle au piano : chez lui, temps individuel et collectif croisent les doigts sur le clavier bien fantasmé du corps et de l'affectivité ballades entre les sautes d'humeurs d'un imaginaire et d'une histoire ''en noir et blanc''. Époques de chevauchement, de double comportement, de mouvement arrêté, Poulenc en fut le jouet-reflet : né d'un temps en pleine mutation, le musicien s'éveilla aux feux d'une création ivre de lumière, dans un monde trouble assoiffé de catastrophes inhumanitaires. Hanté par le souvenir des disparus, il tenta d'échapper à la chronicité de ses angoisses en pérennisant un art ''intemporel'' des correspondances. C'est dans l'éternel recommencement d'une histoire aliénante que le musicien joua anachroniquement à la métaphore du temps perdu-retrouvé : son piano interpelait expressivement un passé tout surpris de modernité ; de sautes d'humeurs en ''fautes'' de styles, le compositeur fit dans l'arrière-avant garde. Née d'une déchirure primitive conflictuelle, l'ambivalence poulencquienne trouva temporairement sa résolution dans l'expression ré-équilibrante de parcours musicaux archaïques. C'est parce que Poulenc, à son corps défendant, dit avoir ''raté'' sa production pianistique qu'elle révèle en négatif les ressorts les plus enfouis de son imaginaire. A la jonction du sensible et de l'intelligible, main dans la main, les couples ambivalents identité/altérité, intériorité/extériorité, individualité/supra-individualité s'équivoquent sur la scène imaginaire d'un entre-temps chorégraphique intériorisé, à jamais défait, toujours à refaire.