Mal-dit, mal-entendu : la transmission du souvenir de la Choah dans les familles
Auteur / Autrice : | Véronique Denarié-Gentil |
Direction : | Yves Chevalier |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Soutenance en 1997 |
Etablissement(s) : | Tours |
Jury : | Examinateurs / Examinatrices : Régine Robin, Michel Wieviorka, Esther Benbassa, Yves Chevalier |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Mots clés libres
Résumé
Mal-dite, mal-entendue, la Choah fut d'abord, pour ceux sur qui elle s'est abattue, une horreur indicible. Définissable en termes de traumatisme paradigmatique (à l'origine du questionnement sur la notion de crime contre l'humanité), sorte de « hove » massif et sans précédent, (terme hébreu mettant l'accent sur la mise en suspens du temps dans une sorte de présent figé, ce qu'est tout événement catastrophique) le judéocide peut-il, et comment, s'intégrer dans les mémoires familiales juives et non peser de tout son poids de morts innombrables, au deuil non perlaborable répercutant ses séquelles de générations en générations ? La réponse, en forme de pari, constitue le postulat fondateur de cette recherche : il est possible, aux porteurs de l'identité blessée, de se dégager des séquelles de la rencontre avec le mal. A l'écoute des récits de vie-témoignages des personnes directement touchées et des récits de leurs enfants et petits-enfants de fait témoins de témoins, ainsi qu'à l'appui de toute la création littéraire (particulièrement abondante sur la Choah), le chercheur s'est voulu participant à ce qui peut être perçu et analysé comme un vaste processus de transformation-transmission d'une réalité mortifère en expérience vécue, obligeant chacun à s'affronter de manière personnelle, et innovatrice, à la question du sens. Ce processus, loin d'être linéaire, s'apparente quelque peu à une aventure labyrinthique où l'individu cherche son propre axe existentiel à travers toute une série d'étapes auxquelles contribue l'ensemble des forces collectives. En effet, simultanément et de manière dialectique, s'opère le travail du temps (la possibilité, pour les nouvelles générations d'oser questionner les témoins directs, parents et grands-parents) et s'activent les forces collectives : recherches des historiens, permettant de vérifier comment l'incroyable s'est réellement produit, jugements des assassins, commémorations et rites de deuil collectif, reconstitution de la judaïcité en Europe occidentale ; sans oublier les nouveaux événements, et d'abord la création de l'Etat d'Israël, dont la succession temporelle, après la Choah, ne laisse pas d'être ambigüe. Se dégager des séquelles de la rencontre du mal fait à l'homme par l'homme ne se révèle en fait possible que de manière hautement paradoxale : en s'engageant. C’est en s'interrogeant sur sa place dans l'histoire familiale…