Les mythes et les notions morales dans les travaux et les jours
Auteur / Autrice : | Jean-Claude Carrière |
Direction : | Michel Woronoff |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Études grecques |
Date : | Soutenance en 1987 |
Etablissement(s) : | Besançon |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Le poème d'Hésiode est lié à la formation de la cite-état, forme politique que les nobles organisent pour dominer efficacement une société en plein essor. Pour cet état naissant, le poète-penseur construit, non sans ambiguïtés, et contradictions, une idéologie intégratrice tournée vers la production de biens par le travail (dans le cadre d'un oikos familial qui doit se suffire et peut théoriquement s'enrichir) et vers une ''juste'' répartition des fruits du travail, contrôlée par les rois-juges. La remise en cause systématique des idéaux homériques fait croire qu'Hésiode est postérieur à Homère. La réinterprétation de mythes traditionnels permet une présentation surdéterminée des idéaux pré-poliades. Dans le mythe des races, oriente d'un âge d'or référentiel à un âge de fer qui hésite à choisir une justice qui se veut ''naturelle'' et patriarcale, la cite pense son devenir ''historique''. Les héros homériques sont récupérés comme archegetes religieux. Le mythe prométhéen explique la chute des hommes dans le monde du travail et de la génération, confondant le mal social du travail pénible dans une nébuleuse de maux métaphysiques et fondant en nature l'infériorisation culturelle des femmes. Le mythe des deux luttes oppose à l'odieuse lutte sociale, qui vole les biens produits par le travail, une bonne émulation-concurrence, horizontale et corporative. La ''dialectisation'' atteint, d'une manière souple et subtile, toutes les notions abstraites ou allégoriques, et permet de remodeler le champ de la moralité sociale. Hésiode n'a rien d'un poète-paysan au bon-sens rugueux et à la logique approximative. Sa pensée, profondément cohérente et fortement symbolique, appuyée sur une expression dense et elliptique, pose d'une manière puissante les bases de l'idéalisme ambigu qui restera au cœur de l'humanisme classique et des conceptions anciennes et modernes de l'état.