Thèse soutenue

La lumière focalisée dans les spectacles parisiens du XIXe siècle

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Auteur / Autrice : Pauline Noblecourt
Direction : Mireille Losco-Lena
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Etudes Théâtrales
Date : Soutenance le 30/11/2019
Etablissement(s) : Lyon
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, langues, linguistique, arts (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Passages XX-XXI (Lyon ; 2007-....)
établissement opérateur d'inscription : Université Lumière (Lyon ; 1969-....)
Laboratoire : Passages XX-XXI / XXI
Jury : Président / Présidente : Hélène Marquié
Examinateurs / Examinatrices : Olivier Bara, Stéphane Tralongo
Rapporteurs / Rapporteuses : Jean-Claude Yon

Résumé

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À travers l’analyse d’un vaste éventail de sources techniques (brevets, traités, manuels) et artistiques (pièces de théâtre, relevés et livrets de mise en scène, iconographie), cette étude propose une analyse de l’apparition de la lumière focalisée sur les scènes parisiennes, et des transformations du régime scopique propre au théâtre qu’induit ce nouvel éclairage. À partir des années 1840, en effet, les spectacles (dramatiques, lyriques, ou de danse) mettent régulièrement en scène des « rayons de lumière », produits par des dispositifs optiques (lentille, réverbères), qui permettent de créer une lumière directionnelle et focalisée. Cette étude interroge les bouleversements esthétiques et techniques qui ont mené à l’adoption, puis à la généralisation, de ces effets. Les transformations du paradigme de la vision au XIXe siècle, analysées notamment par Jonathan Crary, permettent en effet de comprendre que les contrastes de lumière, très en vogue à partir des années 1800 notamment dans les mélodrames et les drames romantiques, témoignent d’un changement de paradigme au théâtre : la construction d’un regard sur la scène, par l’emploi de la lumière, s’impose progressivement. C’est dans ce contexte que le motif du rayon émerge dans l’imaginaire romantique, d’abord comme métaphore de la vision et du drame, puis comme effet de lumière mis en scène. À partir des années 1850, l’apparition des premiers projecteurs électriques et oxhydriques permet de multiplier les effets de lumière focalisée, dont les usages se codifient peu à peu. D’une part, la lumière focalisée est utilisée comme dispositif disciplinaire et s’impose comme un moyen de contrôler spécifiquement l’attention portée à la scène, participant en cela au long mouvement de pacification des spectateurs au cours du siècle. Mais elle permet aussi d’aiguiser le regard : le projecteur devient ainsi le moyen d’instrumenter l’oeil du spectateur pour lui donner à voir ce qu’il n’aurait, sans cela, pas remarqué : les détails, les signes, les indices. Ainsi le « rayon » participe-t-il à la mise en place du « paradigme indiciaire » au théâtre, qu’a notamment décrit Jean-Pierre Sarrazac en s’appuyant sur les travaux de Carlo Ginzburg. D’autre part, la lumière focalisée est utilisée pour transformer les corps par la technologie, notamment ceux des créatures fantastiques et des femmes. Elle devient ainsi un instrument de production de l’altérité ; elle permet de produire des corps conformes aux catégories de genre. De ce point de vue, le rayon permet d’amorcer dès les années 1850 une réflexion sur les liens entre lumière et matière. Les praticiens expérimentent alors avec différents usages de la lumière : certains se font sur le mode de l’objectification, telle que définie notamment par Sandra Lee Bartky ;d’autres, particulièrement l’oeuvre de Loïe Fuller, inventent de nouvelles modalités de mise en scène de la focalisation. Le volume d’annexe de cette thèse contient des relevés d’indications de lumière dans des livrets de mise en scène du XIXe siècle, notamment la collection Palianti et les fonds de l’Association de la Régie Théâtrale.