Thèse en cours

La mondialisation via internet et le rôle du taux de change dans les règles de politique monétaire de type Taylor : Cas des marchés émergents ciblant l'inflation

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Auteur / Autrice : Joanna Darwiche
Direction : Françoise Seyte
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Sciences économiques
Date : Inscription en doctorat le 02/11/2020
Etablissement(s) : Université de Montpellier (2022-....)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Economie Gestion de Montpellier
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : MRE - Montpellier Recherche en Economie

Résumé

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1 Contexte et enjeux de la recherche La théorie monétaire conventionnelle suggère que l'augmentation de la masse mo- nétaire génère de l'inflation lorsque la production réelle augmente à un rythme plus lent. Cependant, depuis la stagnation économique prolongée au Japon en 1990, et la crise finan- cière mondiale de 2007-2008 originaire des États-Unis, presque tous les pays avancés ont été contraints de s'engager dans une politique monétaire expansionniste. Ceci dans l'espoir de stimuler leur économie et d'éviter les récessions. Pourtant, ni la croissance attendue ni les craintes d'une inflation galopante à la suite d'injections massives d'argent ne se sont matérialisées. Dans le cadre des recherches sur l'inefficacité de la politique monétaire, celle-ci a ravivé l'intérêt pour l'analyse du concept keynésien de « trappe à liquidité », une situation qui se produit lorsque le taux d'intérêt nominal est nul ou proche de zéro. En effet, mener une politique monétaire selon une règle de type Taylor 1 devient problématique lorsque l'économie est dans une trappe à liquidité. En effet, une politique suivant une règle de type Taylor implique la diminution des taux d'intérêt à court terme lorsque l'économie est faible et l'inflation attendue est inférieure à l'objectif. Elle implique pourtant leur augmentation lorsque la croissance économique et l'inflation sont élevées. Cependant, lorsque le taux d'intérêt nominal est déjà tombé à zéro, l'injection de la monnaie dans le but de stimuler la demande globale n'a aucun effet sur la production. Dans ces conditions, la demande de monnaie croît plus que proportionnellement à l'augmentation de la masse monétaire, et les investisseurs préfèreraient accumuler des liquidités plutôt que de dépenser. Car le coût d'opportunité de la détention de monnaie est nul, ce qui conduit à la baisse des prix et renforce la trappe à liquidité. Il convient de souligner que notre choix d'utiliser une règle de type Taylor dans notre recherche est dû au fait que le problème étudié est davantage axé sur le ciblage de l'inflation. La règle de Taylor réagit majoritairement à deux objectifs politiques : l'écart d'inflation et l'écart de production. La raison pour laquelle elle a été souvent utilisée par les décideurs et les économistes comme référence importante dans l'évaluation de la politique monétaire. Ce qui justifie également notre choix de l'utiliser dans notre travail. Plusieurs outils politiques alternatives non conventionnels ont été utilisés par les banques centrales sous la contrainte d'un taux d'intérêt nominal nul. Les banques centrales ont eu recours au Quantitative Easing (QE). Ceux-ci impliquent des achats à grande échelle de dette publique à longue échéance, ou même d'actifs privés, dans l'espoir de baisser les taux d'intérêt à long terme et, ainsi, de réduire la marge entre les taux à court terme et à long terme. Selon la théorie de l'équilibre du portefeuille, une offre plus faible d'actifs à long terme implique une baisse des taux d'intérêt alors qu'une offre plus importante d'actifs à court terme implique une baisse de ces taux. Cependant, l'analyse documentaire réalisée par Bhattarai et Neely (2016) a mis en évidence des problèmes économétriques et d'autres limites suggérant que le QE doit être évalué avec prudence (Bhattarai et Neely, 2016). Par exemple, dans le cas du Canada et des États-Unis après la crise financière ainsi que le Japon après 2013, il n'y a aucune preuve que le QE pourrait augmenter le PIB ou l'inflation (Williamson, 2017). Dans un tel contexte, de nouveaux modèles s'imposent. Ceux-ci reposent sur l'aug- mentation des anticipations d'inflation du public, proposés par Eggerston et Woodford comme politique monétaire optimale dans une situation de trappe à liquidité (Eggerston et Woodford, 2003). À ce titre, la crédibilité de la banque centrale devient problématique en présence d'une telle stratégie (Dotsey, 2010). En outre, l'accroissement considérable de l'intégration économique depuis les années soixante-dix et le développement rapide des technologies de l'information et des commu- nications (TIC) depuis le milieu des années quatre-vingt-dix se sont accompagnés d'une tendance générale à la baisse des taux d'inflation. Le lien de causalité entre la mondiali- sation et la baisse des taux d'inflation a alimenté pas mal de discussions sur les chemins par lesquels une plus grande ouverture des marchés des biens et services, du travail et des capitaux pourrait affecter les niveaux et la flexibilité des prix. Certains chercheurs (Bean, 2006 ; Chen et al., 2004 ; Fisher, 2006) estiment qu'en rendant les marchés plus compéti- tifs, la mondialisation stimule la croissance de la productivité et réduit les marges, ce qui à son tour fait baisser les taux d'inflation. Dans ce cas, les facteurs mondiaux pourraient permettre aux taux d'inflation de dériver en dessous des objectifs fixés par les banquiers centraux. Il en résulte une incertitude au niveau de l'efficacité de la politique monétaire, en particulier si l'économie est déjà dans une trappe à liquidité. À l'inverse, d'autres chercheurs (Bernanke, 2007 ; Carlstrom and Fuerst, 2009 ; Parkin, 2013 ; Rogoff, 2003) attribuent la baisse des taux d'inflation à des politiques monétaires plus efficaces. Ceci notamment en raison d'une plus grande indépendance des banquiers centraux ou même d'un changement de leurs motivations politiques vers la stabilité des prix. Selon cet argument, et en ac- cordant plus d'attention aux facteurs internationaux dans la détermination des objectifs d'inflation, les banques centrales gardent leur contrôle sur les taux d'inflation même dans les économies ouvertes. En ce sens et devant un tel débat, il importe de se pencher sur les implications de la mondialisation sur l'inflation, et donc sur la politique monétaire. Celles-ci devraient être analysées à travers les mécanismes de transmission de la politique monétaire sur le PIB. Mais, cette analyse est compliquée pour deux principales raisons : D'abord, car les économistes ne sont pas d'accord sur les objectifs de la politique monétaire ni sur ses mé- canismes de transmission, qui constituent des questions controversées entre les différentes écoles de pensée économique. En effet, outre les taux d'intérêt keynésiens traditionnels, qui affectent les investissements et les dépenses de consommation durables en biens, d'autres mécanismes de transmission sont envisagés par les monétaristes, notamment le taux de change et les actions. D'autres comme le Credit View proposent d'autres canaux résultant de problèmes d'information sur les marchés du crédit (Mishkin, 2004). Ensuite, les mé- canismes de transmission de la politique monétaire sur le PIB semblent se briser lorsque l'économie est dans une trappe à liquidité. Parmi ces mécanismes de transmission, nous allons nous concentrer sur le taux de change car il est lié au volume des échanges internationaux sur les marchés, qui a considéra- blement augmenté avec la mondialisation. L'inclusion de l'effet de ce taux dans les fonctions de réaction de la politique monétaire, plus particulièrement dans les règles de type Taylor, a été examinée dans plusieurs travaux d'évaluation de politiques monétaires. Ces travaux n'ont pas conclu définitivement l'efficacité de la politique monétaire tenant compte du taux de change dans la fonction de réaction politique. Ainsi, le lien entre l'intensité de la mon- dialisation, les taux de change et la politique monétaire mérite d'être exploré, en particulier compte tenu du développement rapide des TIC (Technologies de l'information et de la com- munication), en particulier d'internet. Il convient également de souligner qu'en réduisant l'asymétrie de l'information, l'internet permet d'intégrer les mécanismes de transmission proposés par le Credit View, qui affectent la volatilité du taux de change par les entrées et sorties des investissements étrangers résidentiels et non résidentiels. 2 Problématique et objectifs de la recherche Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, plusieurs études se sont penchées sur l'in- clusion directe du taux de change dans les règles de la politique monétaire. Toutefois, ces études ne se sont pas parvenues à un accord sur cette question, principalement en raison des différences entre les pays au niveau de la part des exportations nettes dans le PIB, de l'élasticité de la demande des actifs par rapport aux rendements internationaux, ou plus généralement du degré d'ouverture des marchés de chaque pays. Certaines de ces études (Clarida, Gali, and Gertler, 2001 ; Laxton and Pesenti, 2003) ont considéré que l'inclusion du taux de change n'est pas nécessaire si l'effet du taux de change sur l'inflation et sur la production est déjà incorporé dans cette politique. En contradiction avec ce point de vue, d'autres travaux (Edwards, 2006 ; Mishkin, 2009 ; Mohanty and Klau,2005 ; Smets and Wouters, 2002) ont suggéré que dans les petites économies ouvertes, vulnérables aux chocs extérieurs et sensibles aux fluctuations du taux de change, l'inclusion de ce taux pourrait améliorer les performances de la politique monétaire. En effet, l'ajustement de la politique à l'effet du taux de change sur l'inflation et la production se produit ex-ante. L'originalité et la contribution de cette thèse résident dans la mobilisation de la littérature scientifique portant sur la contribution d'internet à la mondialisation. En effet, un nombre limité de travaux ont adopté jusqu'à présent une approche qui intègre la contribution d'internet à la mondialisation. En effet, la littérature existante ne permet pas d'affirmer l'importance d'inclure le taux de change dans la règle de politique moné- taire ciblant l'inflation tout en tenant compte de l'impact de la mondialisation d'internet. Pourtant, l'internet a facilité la diffusion de l'information, inauguré une nouvelle vague de mondialisation, révolutionné les marchés internationaux et contribué à la croissance du commerce international. Cette thèse cherche donc à répondre à la problématique suivante : « La mondialisation a-t-elle modifié le rôle du taux de change en tant que mécanisme de transmission dans les règles de politique monétaire de type Taylor ? » De cette problématique, plusieurs sous-questions découlent : 1. Le taux de change améliore-t-il l'efficacité de la politique monétaire ? 2. Ce taux permet-il aux banques centrales d'éviter la limite inférieure nulle des taux d'intérêt nominaux ? L'objectif principal de cette thèse est d'examiner les implications de la mondia- lisation sur le ciblage de l'inflation par l'inclusion directe du taux de change dans les règles de politique monétaire de type Taylor. Ce faisant, cette recherche entend aussi proposer un cadre théorique s'intéressant plus précisément à savoir : 1) si l'impact d'internet sur l'intensité de la mondialisation entraînerait des résultats concluants sur l'importance de l'inclusion directe du taux de change dans les fonctions de réaction des pouvoirs publics ; 2) si l'inclusion directe du taux de change dans la fonction de réaction politique corrigerait elle la politique monétaire lors d'une trappe à liquidité. 3 Méthodologie Les recherches sur le rôle du taux de change en tant que mécanisme de transmission dans les règles de politique de type Taylor ont souvent utilisé des modèles quantitatifs combinant les théories de différentes écoles de pensée économiques (Taylor, 2001). Ce qui justifie l'importance de leur méthodologie qui vise à évaluer la performance de la politique monétaire en tenant compte du taux de change comme variable directe dans l'élaboration des règles de la politique. Celle-ci consiste en quatre étapes : 1. Formuler une règle dans un modèle macroéconomique. 2. Tester la règle en se basant sur une approche économétrique. 3. Examiner le comportement de la production et de l'inflation. 4. Évaluer la validité de la règle. En d'autre termes, évaluer la performance de la poli- tique monétaire mesurée en fonction de l'ampleur des fluctuations du PIB réel autour du PIB potentiel et de l'ampleur des fluctuations de l'inflation autour de l'inflation cible. Partant de ce contexte, nous comptons suivre cette même démarche, tout en intro- duisant des variables mesurant l'exposition des pays à l'internet, qui a un impact sur la composition du PIB - plus particulièrement la part des exportations nettes - et sur la sen- sibilité de la demande des actifs aux rendements internationaux grâce à la diffusion rapide des informations. Notre méthodologie sera basée sur une approche économétrique. Celle-ci se penche sur des régressions de données de panel et considère les modèles OLS à effets fixes et à effets aléatoires comme un instrument pour y parvenir. Cette approche repose notamment sur les tests de robustesse, y compris le test F, le test du multiplicateur de Breusch-Pagan Lagrange et le test de Hausman pour évaluer la pertinence du modèle, ainsi que sur les tests de la dépendance transversale, de corrélation, de stationnarité et d'hétéroscédasticité. Ainsi, nous comptons notamment nous appuyer sur les avancées récentes dans la littérature qui a examiné la performance de la politique monétaire avec l'inclusion directe du taux de change dans la fonction de réaction politique en minimisant la fonction de perte (Aizenman et al., 2011). Alors de point de vue méthodologique, nous comptons alors réaliser tout d'abord une analyse approfondie des politiques monétaires actuelles et une revue de la littérature approfondie sur les modifications proposées aux règles de Taylor et leur effet sur l'efficacité des politiques monétaires. Par la suite, nous souhaiterons élaborer un modèle économé- trique à partir duquel une analyse suivra pour la validation du choix du taux de change en tant que variable principale dans le modèle. Ainsi, nous conclurons ce travail en affirmant ou infirmant notre hypothèse fondamentale de l'impact d'internet sur la mondialisation et de son effet sur le rôle du taux de change en tant que mécanisme de transmission dans les règles de politique monétaire de type Taylor. Notons que notre recherche s'inscrit dans le cadre d'une étude qui examine les mar- chés émergents classés par cinq institutions : le Fonds monétaire international, Morgan Stanley Capital International, Standard and Poor's, Russell et Dow Jones. Celles-ci utilisent un ensemble de critères pour inclure un pays dans leur liste. Cependant, notre travail portera uniquement sur les pays qui ciblent l'inflation que nous identifierons en s'appuyant sur plusieurs sources (Mishkin et Schmidt-Hebbel, 2007 ; la Banque mondiale, le Fonds Mo- nétaire International, Bloomberg et les Banques centrales nationales). La période d'étude s'étend de 1990 à 2019, y compris 1990 qui est l'année de la commercialisation d'internet et de l'introduction du Web qui coïncide également avec le début des régimes de ciblage de l'inflation dans de nombreux marchés émergents.