L'art de gouverner les prisons au Niger. Étude d'un mode pluri-acteurs de gouvernement des prisons en contexte de militarité de l'État
Auteur / Autrice : | Carole Berrih |
Direction : | Jean-Charles Froment |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Droit Public |
Date : | Inscription en doctorat le 08/11/2019 |
Etablissement(s) : | Université Grenoble Alpes |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale sciences juridiques |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d'Etudes et de Recherche sur la Diplomatie, l'Administration Publique et le Politique |
Résumé
Dans les prisons du Niger, l'exercice de l'autorité carcérale ne repose pas exclusivement sur l'autorité étatique. Une partie des personnes détenues, organisés selon une structure pyramidale très élaborée, gèrent la vie quotidienne carcérale, de l'allocation des chambres à la discipline dans les quartiers de détention. Si ce mécanisme reflète un exercice multi-acteurs de l'autorité, l'analyse des rapports de pouvoir entre ces super-détenus et l'administration étatique révèle que la participation des personnes détenues n'est pas le reflet de défaillances d'un Etat qui ne parviendrait pas à gouverner les personnes qu'il incarcère. Au contraire, la Garde Nationale du Niger gouverne les prisons en instrumentalisant une partie des femmes et des hommes détenus en échange de prérogatives et de privilèges étendus. Afin de conserver le contrôle, la GNN a instauré de multiples mécanismes qui contribuent à brouiller le pouvoir des super-détenus, à absorber les contestations et à prévenir les risques d'action collective. Réelle technique de gouvernement, la mobilisation des personnes détenues reflète un dispositif de contrôle stratégique orchestré par l'Etat, qui, ainsi, étend et consolide son pouvoir. Ce dispositif basé sur la division, la surveillance, le contrôle et la coercition s'inscrit dans le cadre institutionnel plus large de la domination des militaires de la GNN au sein de l'administration centrale : alors que le ministère de la Justice est théoriquement le seul détenteur de l'autorité sur les prisons, la GNN contrôle la matière carcérale dans l'appareil d'Etat, sans aucun mécanisme de contrôle effectif, et refuse de transférer son autorité, révélant une certaine militarité de l'Etat. Les liens étroits entre les prisons, les militaires et l'exercice répressif du pouvoir prennent notamment source dans une histoire marquée par la brutalité, l'oppression et la coercition des pratiques dans le contrôle des populations incarcérées. La mise en perspective du fonctionnement des prisons coloniales et des prisons contemporaines a en effet révélé l'existence de pratiques et de réalités comparables. Au-delà, l'identification de pratiques coercitives dans les lieux de détention précoloniaux semble révéler la nature intrinsèquement oppressive et génératrice de souffrance de l'enfermement par l'État.