Thèse en cours

Du droit pour protéger la nation : le lawfare du Département de la Justice américain

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Auteur / Autrice : Mark Corcoral
Direction : Thierry Balzacq
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Science politique, spécialité Relations internationales
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2019
Etablissement(s) : Paris, Institut d'études politiques
Ecole(s) doctorale(s) : Institut d'études politiques (Paris). École doctorale

Résumé

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Dans un monde à la fois conflictuel et juridicisé, la politique de sécurité nationale des États de droit se heurte à une double difficulté. D’un côté, transgresser la loi pour protéger la nation expose l’action sécuritaire de l’État à une perte de légitimité politique et à des risques juridiques trop importants. De l’autre, s’en tenir à un respect scrupuleux du cadre légal de la politique de sécurité nationale peut avoir un effet débilitant. Cette thèse analyse la manière dont le Département de la Justice (DOJ) américain use stratégiquement du droit pour y répondre. Ces usages stratégiques du droit à finalité sécuritaire – ou lawfare – comportent un volet défensif et un volet offensif autour desquels se structure notre réflexion. Sur le plan défensif, les juristes du ministère recourent à des manoeuvres juridiques pour délier l’action sécuritaire de certaines contraintes normatives sans mettre en péril sa légitimité ni l’immunité des personnes qui la mettent en oeuvre. Ces manoeuvres prennent la forme d’abus de droit – consistant à mettre à l’écart les contre-pouvoirs pour nier l’existence de contraintes légales sans qu’ils s’y opposent – ou d’accommodements juridiques – consistant à rallier les contre-pouvoirs à des modifications permissives du droit. Après les attentats du 11 septembre, l’exécutif américain a ainsi été habilité à utiliser plus facilement des techniques de renseignement à des fins judiciaires, étendre ses activités de surveillance électronique et maltraiter des détenus suspectés d’être des combattants djihadistes. Sur le plan offensif, les procureurs du DOJ recourent au lawfare pour faire de la justice pénale un instrument de la politique de sécurité nationale, malgré son indépendance et les exigences d’équité qui la régissent. Selon l’objectif sécuritaire poursuivi, ces procureurs jouent avec des qualifications pénales – pour engager la responsabilité de personnes d’intérêt plus tôt, plus loin ou plus facilement – ainsi que sur les procédures judiciaires – pour moduler la gravité des accusations, leur publicité, la nature et l’intensité des peines encourues. La justice pénale américaine est ainsi devenue un moyen d’entrave, un vecteur d’enrôlement et un outil de communication stratégique au service de la politique de sécurité nationale des États-Unis. In fine, cette thèse montre que le lawfare du DOJ utilise des règles et des procédures juridiques formelles pour les détourner de leurs fonctions premières et permettre à l’exécutif de déroger à certains principes substantiels du droit pour mieux protéger la nation américaine.