Thèse soutenue

"Viandes sans viande" : luttes discursives et articulations hégémoniques autour du marché des produits simili-carnés.

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Auteur / Autrice : Lucie Wiart
Direction : Nil Toulouse
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Marketing
Date : Soutenance le 07/01/2021
Etablissement(s) : Université de Lille (2018-2021)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale des Sciences Juridiques, Politiques et de Gestion (Lille ; 1992-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Lille School Management Research Center - Lille School of Management Research Center / LSMRC
Jury : Examinateurs / Examinatrices : Amina Bécheur, Jean-Pascal Gond, Maud Herbert, Luca M. Visconti
Rapporteurs / Rapporteuses : Amina Bécheur, Delphine Dion

Résumé

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Ce travail de thèse vise à étudier les dynamiques de marché dans une perspective critique. Nous y adoptons une définition du discours comme pratique sociale qui construit les objets et les positions de sujet. Par la mobilisation des théories de l’école d’Essex et du champ des Critical Discourse Studies, nous appréhendons les dynamiques de marché comme des processus d’hégémonisation. Le marché, conceptualisé comme formation discursive, construirait objets et positions de sujet et tendrait à démontrer leurs caractères non contingents par des pratiques articulatoires spécifiques. La légitimité d’un marché résulte ainsi d’une articulation cohérente et stabilisée du système objets/sujets. Cette stabilisation reste temporaire : la fixation des significations et la présence continuelle des antagonismes sont centraux dans l’étude des stratégies politiques des formations discursives. Pour étudier la manière dont les marchés articuleraient constamment leurs significations, nous nous intéressons au contexte du marché des produits « simili-carnés ». Face aux problématiques environnementales liées à la surconsommation de viande, ces derniers, en imitant la viande par leur apparence, leur goût et leur texture, pourraient se substituer facilement à la viande sans modifier la structure des repas. Nous étudions comment ce nouveau marché vient se positionner face un ensemble de luttes discursives évoluant autour du marché de la viande, et tente de stabiliser un système de significations en remodelant des éléments discursifs préexistants. Parce qu’un nouveau marché n’est donc pas un élément exogène, nous montrons la nécessité d’examiner le contexte discursif dans lequel il s’ancre. Notre travail empirique est constitué de données historiques (journaux, livres, discours politiques...) et d’entretiens de consommateurs et d’acteurs du marché des produits simili-carnés. L’ensemble des données a été analysé par une analyse de discours « multiniveaux », dans une attitude herméneutique, qui nous permet d’observer la reproduction des discours à différentes échelles. Dans un premier temps, nous décrivons comment la maintenance du marché de la viande implique le développement d’articulations hégémoniques permettant d’intégrer un ensemble de problématisations, qui viennent diluer le concept de viande. Dans un second temps, nous exposons comment le discours végan s’engage lui aussi dans un processus d’hégémonisation, en disloquant le marché de la viande et en interpellant les sujets par une articulation du dualisme raison/émotions légitimée. Enfin, nous examinons comment le marché des « viandes végétales » peut être appréhendé comme le résultat d’une articulation « postpolitique » du marché de la viande et du discours végan, et ce qu’il implique en matière d’effets idéologiques. Son existence dériverait d’une logique de récupération poussée à son extrême, menant à le constituer comme espace de forte contestation des significations. La « fausse viande » devient alors sujette à une polyphonie discursive et est infusée des traces hégémoniques des formations contiguës, laissant planer une menace pour sa légitimité. Une discussion et une conclusion soulignent les contributions théoriques, épistémologiques et pratiques (vis à vis des entreprises, organisations parapubliques et ONGs) ainsi que les limites et voies de recherche.