Le projet de paysage comme cosmopolitiques terrestres : retours d'expériences et perspectives mésologiques à partir de la mise en place d'une Coopérative habitante de paysage en Haute Gironde (Nouvelle Aquitaine, France)
Auteur / Autrice : | Grégory Epaud |
Direction : | Bernard Davasse |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Architecture et paysages |
Date : | Soutenance le 07/02/2024 |
Etablissement(s) : | Bordeaux 3 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Montaigne-Humanités (Pessac, Gironde ; 2007-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Passages (Pessac, Gironde ; Pau ; Talence, Gironde) |
Jury : | Président / Présidente : Patrick Moquay |
Examinateurs / Examinatrices : Bernard Davasse, Laurence Le Du-Blayo, Hervé Davodeau, Magali Bodeï, Éric Chauvier, Cyrille Marlin | |
Rapporteur / Rapporteuse : Laurence Le Du-Blayo, Hervé Davodeau |
Résumé
Le projet de paysage fait appel à de nombreuses catégories conceptuelles implicites, trop souvent peu compréhensives par les non-initiés et insuffisamment interrogées par les praticiens paysagistes eux-mêmes. Ainsi, ces derniers mobilisent un faisceau de connaissances et de pratiques associées issues d’une culture professionnelle, faite de savoir faire spécifiques, encore volontiers refermée sur elle-même. Pourtant, la fabrication des savoirs en ce domaine renvoie à une actualité éco-climatiques de plus en plus alarmante, interrogeant la façon dont se construisent les compétences nécessaires à la compréhension du monde dans le but de conduire l’action sur les complexes socioécologiques qui le composent. Cette fabrication, comme toute construction théorico-performative, revêt de nombreux enjeux politiques et démocratiques. Forte de ces perspectives, cette thèse s’est attachée à interroger la question des savoirs et de leur construction dans l’action afin d’articuler enjeux démocratiques et enjeux environnementaux. Elle s’inscrit dans le champ scientifique plus large des questions concernant la démocratisation de l’action (publique ou privée) en lien avec la crise de l’expertise « moderne ». Pour cela, elle pose l’hypothèse selon laquelle mettre en œuvre une dialectique pragmatique entre le concept d’habiter et la notion de paysage permettrait de renouveler les différentes manières d’habiter les lieux, d’aménager les territoires et de gérer les environnements, à un moment-clef de l’action publique en ces domaines et dans un contexte particulier : celui d’une marge territoriale. La démarche de recherche repose sur une expérimentation au travers de la mise en place d’une Coopérative habitante de paysage (CHP) en Haute Gironde (Nouvelle-Aquitaine, France) mobilisant des collectifs d’acteurs-habitants de ce territoire. Face à la complexité des enjeux socioécologiques auxquelles il s’est agi de faire face, cette thèse cherche à éclairer les dimensions tant épistémologiques que pragmatiques, qui s’imposent aujourd’hui, lorsque l’on veut traiter de façon intégrée les questions liées aux sociétés et à leur environnement. Elle aboutit à proposer un projet de paysage ouvrant sur des perspectives mésologiques. Les résultats obtenus s’appuient sur trois Ateliers transversaux de paysage (ATP), se développant dans des situations-processus diversifiées : un marais en déprise géré par un syndicat de propriétaires, tout en étant zone de préemption (ENS) du département et site Natura 2000 ; un jardin citoyen s’implantant sur une parcelle privée au cœur d’un village animé par un collectif de personnes s’étant présenté sans succès à des élections municipales ; des exploitations agricoles en transition au moment de la mise en place d’un Projet alimentaire territorial (PAT) par une Communauté de communes. Entretenant des liens plus ou moins avec des politiques publiques à différents échelons, ces ateliers permettent de (re)définir les enjeux praxéologiques de la mobilisation de savoirs paysagers habitants et de proposer sur ces bases un nouvel appareillage d’ordre paysager permettant d’incorporer et de tisser ensemble des attachements pour transformer collectivement des (mi)lieux de vie. Au final, la thèse montre que les crises éco-climatiques apparaissent de plus en plus comme consubstantielles d’une crise plus profonde d’ordre cosmopolitique (dé)liant sociétés et milieux, c’est-à-dire une crise de nos manières de faire monde. Dans ce contexte d’incertitude, le projet de paysage ouvre sur une recomposition possible des attachements en collectif. Il constitue en cela une piste d'innovation démocratique et politique dans une perspective terrestre, car il impose de penser comment toutes les parties prenantes, humaines et non humaines, constituent ensemble un collectif, un cosmos, dont il n'est pas possible de se séparer, de s'échapper, ni de surplomber, si l’on veut agir de manière durable.