La police des cultes dans les établissements français de l'Inde sous l'Ancien Régime : 1664-1790
Auteur / Autrice : | Clovis Bernardi |
Direction : | Louis-Augustin Barrière |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Droit mention histoire du droit |
Date : | Inscription en doctorat le 30/11/2016 |
Etablissement(s) : | Lyon 3 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de droit (Lyon) |
Résumé
Cette thèse porte sur la formation et l'évolution du droit public des religions dans les établissements français de l'Inde sous l'Ancien régime. A partir des catégories du droit des religions propres à l'Ancien Régime (police religieuse, police ecclésiastique), nous avons cherché à montrer comment l'ancien droit avait appréhendé la diversité religieuse dans les comptoirs commerciaux de l'Inde, alors que la législation du royaume de France avait érigé l'intolérance en principe. La police des cultes qui se forme dans les établissements de l'Inde entre le XVIIe et le XVIIIe siècle s'explique par la singularité de l'institution chargée d'administrer ces territoires : la Compagnie des Indes orientales. La primauté des impératifs économiques sur l'évangélisation, et la fragilité de l'implantation territoriale de la Compagnie en Inde ont abouti à une forme de tolérance spécifique. Au moyen d'une réglementation propre, la Compagnie des Indes a d'abord eu la tâche de légitimer la présence, en son sein, d'agents protestants étrangers, prisés pour leur expérience des marchés asiatiques. La question du protestantisme et les conflits entre employés européens constituent alors le principal objet de la police religieuse de la Compagnie des Indes durant ses premières années d'activité. L'absence de souveraineté de la Compagnie sur ses comptoirs explique également que celle-ci n'ait pu former de réglementation répressive en matière religieuse à l'égard des sujets indiens dans les villes commerciales de Surate ou de Pondichéry au XVIIe siècle. C'est dans cet environnement que la tolérance est érigée en principe de politique religieuse : elle est la condition du peuplement des comptoirs et de la survie du commerce. Au XVIIIe siècle, cette doctrine se traduit juridiquement dans la jurisprudence du Conseil supérieur de Pondichéry. En adoptant la forme d'un conseil d'administration du commerce, la juridiction a été capable de défendre un modèle singulier de police des cultes conforme aux intérêts économiques de la Compagnie. Ces principes seront maintenus lors du passage des comptoirs sous l'administration royale, à partir de 1770. La tolérance apparaît comme un objet de négociation entre les administrateurs français et la société indienne. Elle s'impose progressivement comme un outil au service de l'autorité coloniale, capable de dispenser des privilèges ou de punir les innovations. Pour cerner la dynamique de la police des cultes des comptoirs de l'Inde, il faut également considérer la dépendance entre la police ecclésiastique, régissant les missionnaires catholiques, et la police religieuse, régissant les manifestations publiques de chaque culte. L'histoire de la norme religieuse des comptoirs de l'Inde doit alors être inscrite dans celle des institutions de l'Église catholique en Asie. Les revendications de l'Estado portugais ou de la Congrégation de la Propagation de la Foi privent les marchands français d'un véritable contrôle sur les missionnaires. Les ecclésiastiques ont ainsi pu chercher à dicter les principes d'une réglementation religieuse favorisant les conversions, et mettant en péril le commerce. Ces rivalités ont d'abord imposé aux autorités françaises de penser la transposition des techniques du gallicanisme dans des territoires ultramarins relevant de la juridiction d'un évêque portugais. En raison des enjeux propres au clergé indien, l'introduction d’un tel contrôle revenait toutefois à favoriser le pouvoir des missionnaires. Au cours du XVIIIe siècle, un modèle proprement colonial de police ecclésiastique s'impose en Inde. Les droits de patronage laïc ou de fondation permettent une déjuridictionnalisation de la police ecclésiastique, qui se concentre dans l'autorité hiérarchique des autorités coloniales et ministérielles sur les religieux. Les établissements de l’Inde sont donc le théâtre d’une construction spécifique des relations entre Églises et État, qui vise la protection des intérêts impériaux et commerciaux.