Thèse soutenue

Résistance de Plasmodium falciparum aux dérivés de l’artémisinine : caractérisation et épidémiologie en Amazonie

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Auteur / Autrice : Luana Mathieu
Direction : Magalie Pierre DemarLise Musset
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de la vie et de la santé
Date : Soutenance le 04/03/2021
Etablissement(s) : Guyane
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Diversités, santé et développement en Amazonie (Cayenne)
Jury : Président / Présidente : Françoise Benoît-Vical
Examinateurs / Examinatrices : Frédéric Ariey, Jérôme Clain
Rapporteurs / Rapporteuses : Frédéric Ariey, Sandrine Houzé

Résumé

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Le paludisme est une maladie parasitaire qui sévit dans la zone intertropicale et cause des milliers de morts chaque année. Depuis près de vingt ans, les traitements recommandés pour traiter Plasmodium falciparum, l’espèce la plus virulente, sont les associations thérapeutiques à base de dérivés d’artémisinine (ACTs). Ces traitements ont permis une importante diminution de la morbidité et de la mortalité liée à cette maladie. Cependant, en 2008, des parasites résistants aux artémisinines ont été détectés à l’ouest du Cambodge. Ils se sont depuis propagés à l’ensemble des pays de l’Asie du sud-est et laissent craindre aujourd’hui une dispersion à l’ensemble des zones d’endémie.Tout comme l’Asie du sud-est, l’Amazonie est une zone propice à l’émergence de la résistance aux antipaludiques. Il y a quelques années, des parasites porteurs de la mutation C580Y au niveau du gène kelch 13 (pfk13) et des patients toujours positifs trois jours après le début du traitement par ACT, ont été identifiés au Guyana et au Suriname. Ces deux critères caractérisant la résistance aux artémisinines suggéraient que l’émergence avait commencé dans la région amazonienne, et plus précisément sur le plateau des Guyanes. L’objectif de ce travail de thèse était donc de la caractériser d’un point de vue génotypique et épidémiologique.Dans un premier temps, la circulation de parasites mutants pfk13 C580Y a été confirmée au Guyana en 2016 et 2017 (1,6%, 14/854). L’analyse de leur génome a permis de caractériser ce nouveau foyer de résistance, indépendant de ceux d’Asie du sud-est, qui se transmet pour l’instant de manière clonale. L’insertion des mutations C580Y et R539T par recombinaison homologue dans le génome de parasites de Guyane a ensuite confirmé le lien entre ces mutations et la résistance à la dihydroartémisinine (DHA) in vitro. En effet, de leur présence résultait des taux de survie de 13,7 à 33,0% contre 0,5 à 0,6% chez les parasites non modifiés, pfk13 sauvage. Ainsi, l’intérêt du gène pfk13 comme marqueur de la résistance dans la région amazonienne a été prouvé. Les tests de compétition de croissance réalisés avec les lignées isogéniques ont montré que ces mutations impactaient la croissance parasitaire avec des taux de croissance réduits de 0,6 à 1,3% par cycle de développement. Cet impact variait en fonction du fond génétique et pourrait expliquer pourquoi les parasites mutants C580Y ne se sont pas propagés davantage. Ensuite, pour évaluer l’épidémiologie moléculaire de ce gène dans la région, plus de 4000 échantillons de la région amazonienne ont été analysés. Un faible polymorphisme du gène pfk13 a été observé. Au delà de la mutation C580Y au Guyana, cinq polymorphismes différents ont été identifiés. Parmi ceux-ci, K189T était particulièrement fréquent (49,1%, 575/1171). L’objectif a ensuite été d’évaluer le risque de dispersion des mutants depuis le Guyana. Pour ce faire, les mouvements de parasites entre les différentes zones géographiques ont été analysés en se basant sur les mouvements de patients infectés. Deux importantes voies de migration ont été identifiées, toutes deux centrées sur le plateau des Guyanes. Ainsi, si les mutations devaient être davantage sélectionnées, ces mouvements induiraient un risque élevé de dispersion de la résistance. Enfin, la mise en place de pressions médicamenteuses séquentielles par la DHA sur différents isolats de Guyane a montré une acquisition rapide de la résistance par certains parasites. Ainsi, des génomes semblent plus favorables que d’autres à la sélection de la résistance.Ces travaux ont ainsi permis de confirmer la présence de parasites résistants aux artémisinines sur le plateau des Guyanes, aujourd’hui circonscrits au Guyana. Leur impact sur l’efficacité thérapeutique in vivo reste encore à démontrer mais est probablement limité du fait d’une bonne efficacité de la molécule partenaire des artémisinines, la luméfantrine.