Thèse en cours

L’institutionnalisme juridique français Contribution à l’histoire d’une École de pensée (1895-1939)

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Triangle exclamation pleinLa soutenance a eu lieu le 17/12/2021. Le document qui a justifié du diplôme est en cours de traitement par l'établissement de soutenance.
Auteur / Autrice : Léo Ravaux
Direction : Carine JallamionGrégoire Bigot
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Histoire du Droit et des Institutions
Date : Inscription en doctorat le
Soutenance le 17/12/2021
Etablissement(s) : Montpellier
Ecole(s) doctorale(s) : Ecole doctorale Droit et science politique
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : DD - Dynamiques du Droit
Jury : Président / Présidente : Jean-Louis Halperin
Examinateurs / Examinatrices : Carine Jallamion, David Deroussin, Alexandre Deroche, Grégoire Bigot, Mathieu Doat
Rapporteurs / Rapporteuses : David Deroussin, Alexandre Deroche

Résumé

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En vertu du paradigme anthropologique moderne, le droit ne serait plus que l’expression d’un volontarisme contingent, porté par l’État et les individus qui se lient par la parole sous sa garantie. Ce « droit sans vérité », sans finalité autre que la volonté elle-même, demeure le prix de l’autonomie au sein des sociétés occidentales. Au XIXe siècle, si le contractualisme libère de l’hétéronomie du divin qui faisait les rois, il peut aussi sacrifier l’Homme, pourtant nouvellement sacré. La révolution industrielle, accompagnée par une conception propriétariste et contractualiste du droit, engendre l’aliénation dénoncée par les socialistes et l’anémie morale pointée par les conservateurs. Si bien qu’au tournant du siècle suivant, l’écart entre l’abstraction individualiste et la réalité juridique effectivement vécue, finit par inquiéter les juristes. À la faveur du retour de l’homme social dans le discours doctrinal – la fameuse « socialisation du droit » du « moment 1900 » –, un groupe de juristes refuse d’admettre que l’individualisme puisse être le dernier mot, la fin de l’histoire du droit. À partir du constat selon lequel le XIXe siècle n’a pas fait disparaitre les phénomènes collectifs, les « institutionnalistes » observent la (re)naissance et la persistance des institutions situées entre l’État et l’individu : associations, églises, entreprises... L’État lui-même, avide d’avoir voulu fonder le social, se retrouve gros d’institutions et le maître de l’ « École institutionnaliste », Maurice Hauriou, le compare aux personnages de Rabelais : congestion administrative, services publics… Aux yeux de l’École, le volontarisme est incapable d’expliquer le retour des institutions, si ce n’est par des truchements terminologiques tels que le « contrat d’association » de 1901. Partout, depuis le droit privé jusqu’au droit international public, le vernis de la langue contractuelle craque et l’institutionnel, ce « quelque chose de plus », reparaît. Catholiques, « anti-jacobins », les institutionnalistes ne portent pas un dessein réactionnaire. Issus d’un catholicisme social modernisé ou d’un libéralisme catholique socialisé (les plus importants militent au Parti Démocrate Populaire), ils cherchent une via media entre Tradition et Modernité, entre holisme et individualisme ; à résoudre l’ « universelle contradiction » entre le respect des droits nouveaux de l’individu et les éternelles nécessités collectives. Aux yeux de l’École, la personne humaine n’est paradoxalement libre que grâce à la multiplication de ses attaches institutionnelles, conception de la liberté qui débouche sur la promotion d’un pluralisme juridique : « pas de libertés institutionnelles ; pas de libertés individuelles ». Pour l’École, les institutions n’existent que pour la personne, mais celle-ci ne peut s’en priver. Parmi les tous premiers, les institutionnalistes rejettent le droit « totalitaire », au nom de ce même « personnalisme ». Si l’individualisme sacrifiait l’Institution à l’individu au XIXe siècle, le totalitarisme du XXe sacrifie la personne à l’Institution. À présent que l’« universelle contradiction » penche du côté du groupe, ils placent les barricades de la philosophie du droit du juste milieu de l’autre côté. Lorsque l’Allemagne envahit la France en 1940, ils sont plusieurs à compter parmi les primo-résistants. Rares sont les questions posées par l’École institutionnaliste qui peuvent être déclarées obsolètes : l’« universelle contradiction » demeure l’une des grandes apories du droit. À l’heure où le libéralisme prend sa forme « néo » et fait de nouveau pencher le balancier du côté de la contractualisation, démontrer l’existence de cette École de pensée projette l’histoire dans le présent. Hauriou, son fondateur, est connu de tous. En revanche, ses vingt quatre disciples (de Rigaud à Renard en passant par Gounot) ne le sont pas, à tout le moins en tant qu’ils appartiennent à une même École. C’est l’histoire commune de ces auteurs qui est ici retracée.