Thèse soutenue

Des lesbiennes dans la ville : entre visibilité et invisibilisation. Expériences et pratiques des espaces publics à Paris

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Auteur / Autrice : Sarah Jean-Jacques
Direction : Catherine DeschampsNadine Cattan
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie
Date : Soutenance le 07/12/2023
Etablissement(s) : Université Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences des sociétés (Paris ; 2019-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Identités, cultures, territoires (Paris ; 1992-....)
Jury : Président / Présidente : Patrick Farges
Examinateurs / Examinatrices : Patrick Farges, Laetitia Overney, Serge Weber, Barbara Morovich
Rapporteurs / Rapporteuses : Laetitia Overney, Serge Weber

Résumé

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Depuis une dizaine d'années, face aux inégalités d'accès aux espaces publics qui touchent particulièrement les femmes, la Mairie de Paris a fait du "droit à la ville", c'est-à-dire le droit de se déplacer sans entrave ni violence, le premier enjeu de sa politique urbaine. Plus récemment, la ville de Paris s'est aussi symboliquement positionnée en faveur d'un environnement social et urbain plus inclusif des personnes LGBTQI, en faisant de la lutte contre les violences et les discriminations à leur encontre l'une des nouvelles priorités de la ville. C'est dans ce contexte et à travers une perspective intersectionnelle, que cette thèse invite à questionner le « droit à la ville » et à observer comment s'expriment et s'acceptent aujourd'hui les différences, à partir de la place singulière des lesbiennes dans les espaces publics parisiens. Issue d'une enquête de terrain réalisée entre 2016 et 2019, auprès de 47 lesbiennes résidant en région parisienne, cette recherche examine les normes à l'intersection du genre, de la sexualité et de la "race" qui structurent les espaces publics et les violences qui en découlent sur les expériences et les pratiques des lesbiennes en ville. Elle s'attache à présenter les différentes manières par laquelle se déploie la visibilité lesbienne dans l'espace urbain. Ainsi, elle met en évidence que la présentation de soi (l'apparence) et la mise en scène du couple (la gestuelle amoureuse) représentent deux marqueurs de cette visibilité. Le couple, en particulier, permet d'appréhender le coming out dans sa dimension spatiale. L'analyse des expériences des lesbiennes visibles révèle les formes spécifiques de violences auxquelles elles sont exposées. Le harcèlement qui vise les couples lesbiens se situe au croisement de différents rapports de pouvoir qui sanctionnent leur écart aux normes de genre et le refus public de la contrainte à l'hétérosexualité. Il participe à réguler l'hétérosexualité des espaces publics et entrave la libre circulation des lesbiennes dans la ville. C'est la raison pour laquelle, elles vont avoir tendance à ajuster leur comportement pour pouvoir vivre leur relation au grand jour, en essayant de percevoir les coûts et les risques engendrés par l'affichage public de leur couple. Elles sont donc amenées à s'invisibiliser en ne témoignant pas d'affection n'importe où, n'importe quand, et en face de n'importe qui. La visibilité par le couple dépend ainsi de la prise en compte d'un ensemble de paramètres de l'environnement extérieur (quartier, moment de la journée, contexte, profil des personnes coprésentes) qui représentent des balises conditionnant les marques d'affection en public. Cette compétence stratégique souligne donc la tension permanente qui se joue entre visibilité et invisibilisation. Alors que l'orientation sexuelle participe d'un inégal accès à la ville, cette compétence représente un véritable savoir-faire qui permet de mettre en lumière la façon dont les lesbiennes s'approprient les espaces publics malgré tout et négocient leur place à Paris.