Microfinance en Crises dans les économies en développement : pour une socio-économie compréhensive des dysfonctionnements de Gouvernance et des stratégies d'endettement des clients et membres d'IMF
Auteur / Autrice : | Clotilde Ekoka Dikanda |
Direction : | Ulrike Schuerkens |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Socio-économie du développement |
Date : | Soutenance le 09/11/2021 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Jury : | Président / Présidente : Rémy Bazenguissa |
Examinateurs / Examinatrices : Rémy Bazenguissa, Seydi Ababacar Dieng, Isabelle Guérin, Betty Wampfler |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Mots clés libres
Résumé
Après trois décennies d’essor de la microfinance à l’échelle mondiale entre 1975 et 2005 et une quatrième décennie marquée par diverses crises à travers le monde entre 2005 et 2015, que reste-t-il aujourd’hui de l’industrie microfinancière ? Promue jadis comme panacée des problèmes de pauvreté et de développement socio-économique dans les pays dits en développement, la microfinance avait pourtant atteint son apogée l’année 2005, sacralisée « Année du microcrédit » par l’Organisation des Nations Unies. Introduite au Cameroun au milieu des années 1960, sa médiatisation débute dans les années 1990 concomitamment à la restructuration du secteur bancaire. La promulgation de la loi n°90/053 du 19 décembre 1990 relative à la liberté d'association et les révisions législatives du 13 avril 2002 de la réglementation du secteur de la microfinance dans la sous-région d’Afrique centrale, ont permis de segmenter le secteur en trois catégories. Après plus de 15 années de croissance exponentielle entre 1990 et 2007, apparaissent les premières fermetures d’établissements de microfinance, portant le sceau des premiers soubresauts d’une longue série de turbulences. Celles-ci seront sanctionnées par la faillite financière d’institutions de microfinance ayant pignon sur rue, provoquant ainsi les interrogations des acteurs de la microfinance sur la pérennité du secteur. « Microfinance en crises dans les économies en développement », le thème de recherche de la présente thèse, a tenté de répondre à ces questionnements en analysant les causes principales et sous-jacentes des crises de la microfinance. Il apparaît qu'au Cameroun, les dysfonctionnements du système de gouvernance des dirigeants et le surendettement des clients et membres d'établissements de microfinance constituent les principales causes de ces faillites. Cette recherche socio-économique analyse les orientations néolibérales consécutives à l’introduction des dispositifs de microfinance au Cameroun et leur appropriation par les régulateurs, promoteurs, praticiens et bénéficiaires, ainsi que les transformations politiques, économiques et sociales qui en ont résulté. L’avènement de la microfinance au Cameroun comme dans le monde, s’inscrit dans la suite des théories développementalistes et évolutionnistes qui promeuvent depuis huit décennies la croissance économique, la lutte contre la pauvreté et la mondialisation comme conditions sine qua non du bien-être pour tous. A défaut d’atteindre ces objectifs, le développement dans sa forme contemporaine s’est transformé en financiarisation des marchés à laquelle participe l’industrie de la microfinance, et dont les crises laissent apparaître des enjeux néolibéraux ayant pour synonymes la politique de l’autonomie par l’entrepreneuriat, le désengagement de l’État et la loi du « tout marché ». En se fondant sur une enquête ethnographique menée dans quatre régions du Cameroun en milieu urbain (Douala, Yaoundé, N’Gaoundéré, Bamenda) et en milieu rural (Pouma, Song-Mbenguè, Bafoussam et Bafanji), cette étude se propose aussi d’analyser les crises de la microfinance survenues dans d’autres aires géographiques à l’instar de l’Inde, du Nicaragua, du Maroc, du Sénégal, du Mali, du Congo-Brazzaville et du Bénin. En écho à celles-ci, les déflagrations microfinancières au Cameroun laissent apparaître des dynamiques clivantes et une fragmentation sociétale opposant l’État à la société, le milieu urbain au milieu rural, et avec en filigrane la question de l’industrialisation, ainsi que les fractures entre féminismes occidentaux et rapports de genre dans les sociétés africaines, sans oublier les pluralismes religieux et les hétérogénéités ethniques. A la lumière de ces crises et face à une société de plus en plus fragmentée, au-delà de redorer le blason du secteur microfinancier, le défi qui se présente aujourd’hui est plus que jamais de reconstruire un climat de confiance dans la société.