Thèse soutenue

La "modernisation de l'Etat", indifférente à l'expertise des services en territoires : la réforme de l'Administration Territoriale de l'Etat dans les domaines de la Cohésion sociale et du Développement durable (2009-2015)

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Auteur / Autrice : Sylvère Angot
Direction : Vincent Spenlehauer
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie
Date : Soutenance le 20/01/2020
Etablissement(s) : Paris Est en cotutelle avec Pollet
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Organisations, marchés, institutions (Créteil ; 2015-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire Interdisciplinaire Sciences Innovations Sociétés - Laboratoire Interdisciplinaire Sciences Innovations Sociétés
Jury : Président / Présidente : Gilles Pollet
Examinateurs / Examinatrices : Vincent Spenlehauer, Patricia Loncle-Moriceau, Bruno Milly, Philippe Bezes, Gabrielle Bouleau, François-Mathieu Poupeau
Rapporteurs / Rapporteuses : Patricia Loncle-Moriceau, Bruno Milly

Résumé

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La « modernisation de l’État » est une thématique récurrente des exécutifs qui se succèdent à la tête du pays. La Réforme de l’Administration Territoriale de l’État (2010) modifie durablement le paysage des services déconcentrés et porte des dynamiques contradictoires. D'abord, la réforme s’appuie sur certains objectifs du new public management (Hood 1981) : performance de l’action publique, réduction des coûts et des effectifs, fusions de services, « mutualisation des fonctions supports », développement d’agences, informatisation du service public. Mais elle délaisse d’autres principes de cette doctrine : expertise territoriale, évaluation de l’action publique, nodalité territoriale, prélèvement d’informations sur le social, remontées d’expérience. Ensuite, la RéATE renforce un échelon régional déconcentré chargé du pilotage, de la coordination, de l’observation et de l’évaluation des politiques publiques (notamment les DREAL et DRJSCS). Mais le développement de cette expertise rare, de haut niveau, se heurte à de nombreux défis : celui de la formation des fonctionnaires pour assurer ces missions ; celui de l’incertitude générée par la dissociation entre services régionaux (maintenus sous la tutelle ministérielle) et départementaux (rapprochés de la tutelle préfectorale) ; celui des concurrences de légitimités entre des services déconcentrés affaiblis, des agences renforcées dans leurs prérogatives budgétaires et des collectivités territoriales bénéficiant de transferts de compétences. La déconcentration apparaît en déclin dans le système institutionnel français, alors que les interfaces entre l’État et les collectivités territoriales sont peu investies. Enfin, la réforme véhicule une vision et des méthodes profondément institutionnelles et centralisatrices : négociations au sommet de l’État, logique d’application descendante, timing serrés, renforcement de la tutelle préfectorale, coordination hiérarchique, isomorphisme institutionnel. La réorganisation institutionnelle exclut une réflexion sur l’expertise locale, les contenus professionnels des missions, les ajustements mutuels partisans entre acteurs. Les réformes se succèdent, impactant durablement le sens de l’action et l’autonomie des groupes professionnels sur le terrain, mettant beaucoup d’agents en souffrance et laissant les services dans une situation d’incertitude. On peut dès lors douter de l’atteinte du niveau de performance globale de l’action publique affiché par la réforme. Appuyant notre analyse du travail dans le secteur public sur le triptyque institutions, organisations, professions, nous montrons que le contenu concret du travail des agents des services déconcentrés fusionnés reste un impensé des réformes. Cette thèse se situe dans la perspective du récit de tensions existantes dans le champ bureaucratique, entre la « modernisation » portée par l’exécutif, le ministère du Budget, la « haute noblesse d’État » d’une part, et la lutte des ministères sectoriels et des services territoriaux pour maintenir leurs fonctions et leurs conceptions de l’État d’autre part. Trois analyses de politiques publiques sont mobilisées pour traiter cette problématique. Dans le nouveau champ de la « cohésion sociale », nous montrons que la convergence des politiques d’hébergement et d’accès au logement des personnes défavorisées s’effectue principalement à l'échelon départemental (le cas de l’Ile-de-France n’est pas étudié). L’étude de l’extinction du corps des Conseillers d’éducation populaire et de jeunesse (CEPJ) pose la question du maintien d’une expertise de conseil et de relais des problématiques territoriales au sein de l’appareil d’État. Le cas des politiques de rénovation énergétique de l’habitat présente un paysage complexe, situé entre plusieurs secteurs de politiques publiques (logement, énergie-climat, industrie, politiques sociales), montrant la difficulté à construire une coordination des dispositifs nationaux et locaux dans le champ du « développement durable »