Thèse soutenue

Les dieux, le rire et la comicité : la représentation du divin dans les sources littéraires de la Grèce antique

FR  |  
EN  |  
IT
Auteur / Autrice : Giuliana Ricozzi
Direction : Gabriella PirontiSimone Beta
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de l'antiquité : histoire, archéologie, langues et littératures
Date : Soutenance le 17/12/2019
Etablissement(s) : Paris Sciences et Lettres (ComUE) en cotutelle avec Università degli studi (Pise, Italie)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École pratique des hautes études (Paris)
Partenaire(s) de recherche : Établissement de préparation de la thèse : École pratique des hautes études (Paris ; 1868-....)
Laboratoire : Anthropologie et histoire des mondes antiques (Paris ; 2010-....)
Jury : Président / Présidente : François de Polignac
Examinateurs / Examinatrices : Gabriella Pironti, Simone Beta, François de Polignac, Pierre Vesperini, Alberto Camerotto, Maurizio Bettini
Rapporteurs / Rapporteuses : Pierre Vesperini, Alberto Camerotto

Mots clés

FR  |  
EN

Mots clés contrôlés

Mots clés libres

Résumé

FR  |  
EN

La représentation des dieux dans les sources littéraires de la Grèce antique prévoit le recours au rire et à l'humour. C’est un aspect caractéristique de la description et configuration du monde divin hellénique qui se déploie sur un arc chronologique très large, et devient l'objet d'élaboration, de réélaboration et d'investigation par les poètes, les intellectuels et les philosophes, pendant plusieurs siècles. Le rire est une composante fondamentale et récurrente tant dans la représentation des dieux que dans celle des hommes : il définit le périmètre des figures divines, tout en fonctionnant comme une sorte de connecteur entre la sphère des immortels et le monde des êtres humainsDans le corpus épique, les dieux, comme les hommes, rient et sourient ; ils utilisent l'ironie et le sarcasme, recourent à des stratégies qui amusent les autres dieux et, dans certains cas, également le public destinataire des chants. La représentation du monde olympien dans l'Iliade et dans l'Odyssée est marquée par le rire et le sourire des dieux. Tel est le cas de l'épisode d'Héphaïstos au Chant I de l'Iliade, mais aussi de l'histoire tout aussi célèbre de l'adultère d'Arès et d'Aphrodite au chant VIII de l'Odyssée. Dans le premier épisode, Héphaïstos, laid et boiteux, s'improvise échanson, un rôle destiné aux être beaux et jeunes, et il déclenche ainsi les rires des autres dieux. Le fait d’apparaître inadéquat par rapport à la tâche qu’on exécute, aussi et surtout d'un point de vue esthétique, est un mécanisme du rire qui fonctionne à la fois pour les dieux et pour les hommes, comme l'illustre le cas de Thersite. Dans le Chant d'Arès et d'Aphrodite, les dieux se moquent du couple d'amoureux pris en flagrant délit d'adultère et se laissent aller à des blagues drôles et licencieuses, comme s'ils étaient des hommes. Chez Homère, les dieux sont représentés dans toute leur puissance mais aussi avec toutes leurs faiblesses : cette incohérence, cette différence souvent soudaine, est sans doute à l'origine du plaisir que le public ancien prenait à écouter ces histoires, comme en témoignent diverses sources. La Comédie et le drame satyrique exaspèrent à leur tour l'anthropomorphisme des dieux ; les auteurs exploitent ce paradoxe, en réduisant autant que possible la différence entre hommes et dieux. La complexité des figures divines fait ainsi l'objet d'un processus de simplification e d'altération qui transforme les dieux en de véritables caricatures. La réduction des figures divines en personnages stéréotypées, caractérisées par plusieurs vices et faiblesses met en mouvement la machine comique. Aux côtés des épisodes homériques et des représentations des divinités sur la scène comique, il ne faut pas oublier, enfin, la représentation ouvertement parodique des dieux homériques dans la Batracomyomachie, et la critique humoristique de Lucien à la configuration traditionnelle du monde divin qu’avaient construite les poètes aussi bien que les philosophes. La représentation humoristique et comique du divin dans les sources antiques est le symptôme d'une dialectique ludique entre dieux et hommes, d'une attitude joyeuse, amusée et amusante de l'homme face au divin qui habite le monde, et notamment du poète face aux dieux qu’il met en scène. Cette attitude diffère clairement de l'acte réel de dérision du divin, illustré par certains mythes et dûment sanctionné. Les formes comiques, humoristiques et parodiques de la représentation du monde olympien, récurrentes dans la production littéraire grecque, semblent donc indiquer clairement un choix d’articulation et de narration de la sphère divine qui au lieu de rejeter le rire, le considère un outil fondamental pour réfléchir sur les dieux et leurs rapports avec les hommes.