Thèse soutenue

Le rôle transformateur des groupes armés du nord du Mali : de l'insurrection djihadiste et sécessionniste au crime organisé (1996-2017)

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Auteur / Autrice : Beatriz Mesa
Direction : Jean-Noël Ferrié
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Science politique
Date : Soutenance le 09/10/2017
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes (ComUE) en cotutelle avec Centre Jacques Berque pour les études en sciences humaines et sociales (Rabat)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale sciences de l'homme, du politique et du territoire (Grenoble ; 2001-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Pacte, laboratoire de sciences sociales (Grenoble, Isère, France)
Jury : Président / Présidente : Ana Isabel Planet Contreras
Examinateurs / Examinatrices : Ana Isabel Planet Contreras, Beatriz Tomé, Ali Bensaâd
Rapporteurs / Rapporteuses : Ana Isabel Planet Contreras, Luis Martinez

Résumé

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Je démontre que, dans cette région (le Sahel), les groupes armés (djihadistes ou indépendantistes) agissent moins pour des valeurs que par cupidité. C’est pourquoi la violence n’y résulte pas de leur volonté d’imposer leurs projets (un émirat islamique ou un Etat indépendant touarègue) mais de la hausse d’activités criminelles entraînant l’implication d’un nombre grandissant d’acteurs.Ce travail de recherche a commencé par une enquête, en 2009, après l’enlèvement de ressortissants espagnols par AQMI (Al Qaida au Maghreb islamique) à Nouadhibou (nord-ouest de la Mauritanie). J’ai alors entamé une série entretiens avec des repentis d’AQMI, autour de la thématique de la « Salafiya djihadia» : en Mauritanie d’abord, puis au nord du Mali, où les otages avaient été transférés. Par la suite, j’ai continué ma recherche au Burkina Faso et au Niger (lieu de négociations pour la libération des otages) par des entretiens avec des combattants actifs et inactifs des groupes d’insurgés, et d’anciens combattants de groupes terroristes actuellement intégrés dans le système. Ces entretiens ont été complétés par de nombreuses rencontres avec les notables des communautés tribales dans le nord du Mali, qui ne s’identifient pas aux groupes armés mais ont des liens familiaux et claniques avec eux.C’est à partir de là que j’ai commencé à développer un carnet de recherche qui, après des enquêtes de terrain (Tombouctou, Gao, le sud du Mali, Niamey et Ouagadougou), m’a amenée à conclure qu’attribuer la menace au Sahel au «Djihad» ou bien au «radicalisme religieux» est très réducteur. A travers le discours de chefs de tribus, de barons de la drogue, de repentis d’organisations armées basées sur les référents tribaux, j’ai compris que la situation sécuritaire au Sahel dépasse la question idéologique - djihadiste ou sécessionniste - et qu’il faut introduire les dimensions espace/terre/économie pour une analyse complète. C’est-à-dire que, sans exclure toute motivation idéologique dans l’agenda des groupes armés, la tendance à leur (re)configuration en fonction d’opportunités économiques marque une évolution majeure dans la situation sécuritaire.En focalisant la recherche vers la connexion entre l’espace, la tribu et l’affichage idéologique, je déconstruis d’abord le postulat que les rebellions, en particulier touarègues, représentent les populations du nord Mali, ne serait-ce qu’en raison de la diversité des communautés qui y vivent (Arabes, Peuls, Songhai). Je déconstruis également l’idée que les soulèvements armés survenus dans ‘l’Azawad’ à partir du XXe siècle répondent à des raisons idéologiques, alors qu’il s’agit avant tout de gestion d’un espace en termes économiques (enlèvements d’otages, trafics d’armes et de cocaïne…).Je décris et analyse ensuite les différentes facettes du djihadisme au Nord du Mali en cherchant à répondre à la question suivante : que s’est-il passé au cours des deux dernières décennies pour que les djihadistes aient pu facilement établir des zones d’influence ? Puis j’analyse l’impact du crime organisé et sa pénétration au Mali : les acteurs et les réseaux de cette nouvelle économie, mais aussi ses effets sur les Etats et les comportements sociaux, y compris à travers des organisations de type mafieux. Ce qui confirme la thèse que le souffle religieux ou nationaliste est moins déterminant que les enjeux de pouvoir économique dans les priorités du nouvel agenda des groupes armés sahéliens.