Thèse soutenue

Stephen Spender, Christopher Isherwood, W. H. Auden et le monde allemand : échanges culturels (1929-1988)

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Auteur / Autrice : Florian Alix-Nicolaï
Direction : Jean-Pierre NaugretteRüdiger Görner
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Études anglophones
Date : Soutenance le 14/01/2016
Etablissement(s) : Sorbonne Paris Cité en cotutelle avec Queen Mary and Westfield college (Londres)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Études anglophones, germanophones et européennes (2009-2019 ; Paris)
Partenaire(s) de recherche : établissement de préparation : Université de la Sorbonne Nouvelle (Paris ; 1970-....)
Laboratoire : Langues, Textes, Arts et Cultures du Monde Anglophone
Jury : Président / Présidente : Serge Chauvin
Examinateurs / Examinatrices : Jean-Pierre Naugrette, Rüdiger Görner, Serge Chauvin, Robert Gillett, Seamus Perry

Résumé

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Spender et Isherwood s’avèrent être des sources étonnamment fiables concernant l’histoire du monde allemand. Bien que recourant parfois aux clichés et à la stylisation, ils fournissent des informations précieuses sur des artistes allemands et autrichiens tels que Herbert List et Berthold Viertel. Isherwood a recours au mythe non seulement pour se poser en grand-père du mouvement pour les droits des homosexuels américains, mais aussi pour explorer les multiples avancées sur la sexualité en Europe pendant l’entre-deux-guerres. Ainsi, son récit fictif de la rencontre entre Gide et Hirschfeld défie la doxa critique et permet à Gide de prendre sa place légitime dans l’histoire de la libération homosexuelle.Isherwood fut également le premier à s’intéresser à l’impact de Viertel sur le cinéma britannique. Prater Violet met en valeur la contribution technique et artistique du réalisateur autrichien et révèle combien les studios anglais dépendaient des talents continentaux entre les deux Guerres mondiales. Bien qu’Isherwood, pour les besoins de l’intrigue, ait fait de Viertel un impuissant sur le plan politique dans son roman, il souligna plus tard le message anti-colonialiste audacieux que Viertel fit passer dans Rhodes of Africa. Le film nous invite à remettre en cause l’idée selon laquelle la censure fut toute puissante pendant les années trente.Les échanges de Spender et Auden avec le monde allemand démontrent un engagement continu pour le dialogue entre nations et contre la censure. Déjà, en 1939, Spender faisait son retour en politique, à travers ses traductions et ses critiques. Sa version des Élégies de Duino, qui fait autorité, et ses articles sur Goethe et Hölderlin ont permis de reprendre possession de l’héritage littéraire allemand confisqué par les nazis. Touchant un large lectorat, European Witness de Spender aida à renforcer cette tendance après la guerre, plaidant pour une acceptation de l’Allemagne au sein de la famille européenne.À une échelle plus modeste, Auden se battit pour la réhabilitation littéraire d’un grand auteur autrichien qui s’était compromis avec le régime nazi. Il considérait son élégie pour Weinheber comme un devoir public, appelant la traduction en prose qu’il avait préparée avec une amie « mon Gemeindepflicht » (mon devoir de citoyen).Après le retour d’Auden et Spender au libéralisme vers 1937, leurs échanges avec le monde allemand trahissent un intérêt surprenant pour les auteurs classés à droite, dû à des raisons esthétiques. Le fait qu’Auden prit la défense de Josef Weinheber nous rappelle qu’il s’est aussi battu pour la réhabilitation artistique de Wyndham Lewis, notamment en signant une pétition collective avec Spender. Spender, pour sa part, avoua une fascination embarrassante pour le Feuer und Blut d’Ernst Jünger et le Kampf um Berlin de Goebbels. Les deux poètes anglais ont adhéré au credo libéral en vertu duquel la critique littéraire et historique ne doit pas être handicapée par des considérations politiques.Bien que ce travail de recherche doive beaucoup à l’approche culturelle de la traduction développée par Susan Bassnett et André Lefevere, il montre également les limites de leur théorie. Elle est plus pertinente dans des situations particulières telles que la guerre (la traduction des Élégies de Duino par Spender à la veille de la Seconde Guerre mondiale en témoigne) ou l’exil (voir la traduction du Pastor Hall d’Ernst Toller par Spender). Dans les cas moins extrêmes, et lorsque l’auteur source n’est ni inconnu, ni « canonique » dans la culture cible, la subjectivité du traducteur redevient un facteur important. C’est ce que démontrent les traductions de Brecht par Auden.