Thèse soutenue

Critique de la raison neurologique

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Auteur / Autrice : Anne-Céline Zeghoudi
Direction : Dominique Folscheid
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie pratique
Date : Soutenance le 11/02/2013
Etablissement(s) : Paris Est
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Organisations, marchés, institutions (Créteil ; 2010-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Espaces Éthiques et Politiques - Institut Hannah Arendt
Jury : Président / Présidente : Jean-Jacques Wunenburger
Examinateurs / Examinatrices : Lionel Naccache, Jean-Philippe Pierron
Rapporteurs / Rapporteuses : Jean-Yves Delattre

Résumé

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La discipline neurologique met en présence des soignants sains et des patients frappés de handicaps extrêmes auxquels le progrès médico-technique, fondé au XVIIe sur la mathématisation de la nature et le modèle du « corps-machine », n’a pas mis de terme. Comment se représenter l’aphasie, l’anosognosie, les altérations motrices et sensorielles chez autrui ? On se réfèrera aux travaux de Husserl et aux phénoménologues du corps pour approcher le mystère du vécu de la chair dans la maladie neurologique autrement que la sémiologie conventionnelle l’enseigne. Ce contact bouleversant avec les grands cérébrolésés n’est pas exempt d’intérêt, voire de jouissance : le spectacle du dépouillement humain par la perte du langage, du mouvement ou d’autres attributs, pourrait, dans un effet de miroir, et par une « association accouplante », permettre au témoin ici neurologue de se démonter lui-même et tendre vers l’élucidation de sa propre chair. Mais le système nerveux, par quoi la douleur ou le plaisir se manifestent à la conscience et au corps, qui afflige en même tant qu’il est affligé, est condamné à la forclusion du fait de son rôle nécessaire de médiateur physiologique. L’exclusivité d’une visée intentionnelle, dénoncée par Michel Henry, soutenue et entretenue par l’essor hégémonique de l’imagerie médicale, semble manquer ici la souffrance insoluble dans la donation extatique. Ce travail qui proposait, dans une démarche critique, de revisiter les soubassements du savoir neurologique, nous conduit vers une aporie : quelle est la phénoménologie du handicap neurologique s’il ne s’écrit ni ne se lit en termes positifs ? Devant l’insuffisance du logos à dire les altérations du monde et des vécus de la chair, s’invitent la réserve puis la métaphore artistique. C’est spécifiquement le travail du peintre Simon Hantaï qui ouvrira une voie entre phénomène mondain et incarnation. Il s’agira avec lui, dans un renoncement au savoir totalisant, d’apprendre à mettre en perspective les données des neurosciences et, ce que ni la science ni l’empathie pour autrui ne peuvent expliciter. Nous suggèrerons d’intégrer à la pratique médicale neurologique une démarche éthique autrement appelée « sagesse des limites » ; limites entre les savoirs, dont la figure toujours complexe, instable et miroitante, n’est pas sans évoquer une dimension baroque de la neurologie.