Thèse soutenue

Conflits et stabilité évolutive dans un mutualisme tripartite plante - fourmis- champignon

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Auteur / Autrice : Jérémie Lauth
Direction : Jérôme Orivel
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Physiologie et biologie des organismes – Populations – Interactions
Date : Soutenance le 08/07/2013
Etablissement(s) : Antilles-Guyane
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale pluridisciplinaire (Pointe-à-Pitre ; 1996-2015)
Jury : Président / Présidente : Ivan Scotti
Examinateurs / Examinatrices : Jérôme Orivel, Ivan Scotti, Laurence Després, Douglas W. Yu, Nathalie Séjalon-Delmas, Marc Gibernau
Rapporteurs / Rapporteuses : Laurence Després, Douglas W. Yu

Résumé

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Les mutualismes, interactions interspécifiques où chaque partenaire retire un bénéfice net de leur association, sont centraux dans l’origine et l’organisation de la biodiversité. Bien que globalement bénéfiques pour chacun des partenaires, ces interactions n’enlèvent rien à l’égoïsme inhérent de chaque espèce pour sa survie et sa reproduction, générant des conflits d’intérêts entre les espèces. Ainsi, comprendre les processus écologiques et évolutifs qui maintiennent le caractère mutualiste d’interactions entre plusieurs espèces est primordial dans la compréhension du maintien de la biodiversité. Néanmoins, le corpus scientifique s’est jusqu'à présent surtout concentré sur des paires d’espèces en interaction. Or, ces avancées scientifiques restent partielles car la plupart de ces interactions s’englobent dans un contexte communautaire. C’est dans ce cadre conceptuel que se place mon travail de thèse. Alors que la diversité structurelle des mutualismes de protection entre plantes et fourmis en ont fait un modèle d’étude clé dans la compréhension des mutualismes, j’ai concentré mes recherches sur l’intégration d’un troisième partenaire fongique pour comprendre ses conséquences sur les résultantes écologiques et évolutives de ces mutualismes tripartites. Je me suis tout d’abord intéressé à définir la relation qui lie de façon mutualiste le champignon aux deux autres partenaires et à établir les conflits d’intérêts émanant de ces différentes interactions pour comprendre quels facteurs permettaient de les réguler. Ainsi, la relation qui lie le champignon aux fourmis peut être qualifiée d’agriculture. Les fourmis protègent, nourrissent et disséminent le champignon et celui-ci, via ses propriétés structurales, permet l’élaboration de galeries servant de piège pour capturer des proies. Ce phénomène crée cependant un conflit d’allocation de la force ouvrière des fourmis et nuit directement aux bénéfices de la plante par une diminution de l’intensité des patrouilles sur ses feuilles, diminuant consécutivement sa protection et sa fitness. Néanmoins, le rôle du champignon dans les transferts de nutriments entre les fourmis et la plante, ainsi que certaines réponses évolutives de la plante permettent de réguler ces conflits, stabilisant les bénéfices nets de chaque partenaire dans ce mutualisme tripartite. Puis, je me suis concentré à comprendre comment certains facteurs évolutifs pouvaient moduler cette résultante écologique. La prise en compte du caractère multipartite d’un mutualisme change radicalement la vision de l’évolution des mutualismes jusqu’alors étudiée entre paires d’espèces. Alors que le corpus scientifique s’accorde à dire que la spécialisation entre espèce par coévolution renforce la stabilité et les bénéfices perçus par chaque partenaire, le contexte multipartite semble altérer ces prédictions. Au contraire la spécialisation multipartite peut être dans certains cas un moteur d’instabilité et de baisse des bénéfices. Enfin cette thèse permet de faire le lien entre deux concepts qui s’opposent : la coévolution diffuse et la coévolution par paire. Je montre ainsi que la coévolution peut intervenir sur plus de deux espèces à la fois, mais qu’elle peut quand même entrainer une spécialisation multispécifique. Finalement, au contraire des prédictions de la coévolution diffuse, cette thèse montre que plusieurs pressions de sélection contrastées émanant de différentes espèces envers un seul trait d’une troisième espèce peuvent promouvoir la spécialisation multi-spécifique.