Thèse soutenue

Regard historique sur la diplomatie féminine en Autriche et en France de la paix des dames 3 août 1529 au traité de Lisbonne 13 décembre 2007

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Auteur / Autrice : Julie Anne Demel
Direction : Sylvain Schirmann
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire
Date : Soutenance en 2011
Etablissement(s) : Strasbourg en cotutelle avec Universität Wien

Résumé

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Cette thèse s´est donné trois buts précis :1) d´abord présenter les femmes qui ont joué un rôle essentiel dans les relations franco-autrichiennes dans leur cadre historique 2) puis définir la diplomatie dont ces femmes usèrent pour apporter la paix à l´Europe et contribuer à l´entente des peuples européens 3) enfin souligner les actions que ces femmes ont laissées dans la mémoire européenne. 1) Pourquoi les femmes ? Les pères fondateurs de l´Europe sont connus. Chacun connaît Jean Monnet, Konrad Adenauer, Robert Schuman etc… Mais qu´en est-il des femmes ? Quel rôle ont-elles joué sur la scène politique ? Dans les livres d´ histoire quelques femmes y figurent mais au bas des pages ou en annexe. En s´attardant sur l´histoire des relations franco-autrichiennes et en s´arrêtant surtout sur les annotations, il devenait clair que certaines femmes avaient joué un rôle politique important. Elles étaient présentes sur la scène politique même si elles n´occupaient pas le premier plan. Dès le 16ième siècle : Louise de Savoie et Marguerite d´Autriche unirent leurs efforts pour mettre un terme à une guerre qui ravageait l´Europe. Qu´est-ce que l´Europe serait devenue, deux siècles plus tard si l´impératrice Marie-Thérèse et Madame de Pompadour n´avaient provoqué le renversement des alliances ?Le Congrès de Vienne relate les intrigues entre Metternich, Talleyrand et les autres diplomates mais peu d´ouvrages racontent le congrès de Vienne en soulignant le rôle des femmes. Mais c´est dans les salons littéraire de Fanny von Arnstein ou ceux de Wilhelmine de Sagan et de sa sœur Dorothée de Talleyrand-Périgord que se faisait la politique européenne. Au 19ième siècle d´autres femmes continuèrent la tradition du salon littéraire en France et en Autriche. Les salons les plus marquants furent alors celui de Mélanie de Pourtalès à Strasbourg ou celui de la comtesse de Greffulhe à Paris ou encore le célèbre salon de Berta Zuckerkandl-Szeps à Vienne. Après la Première Guerre mondiale, les femmes étaient peu représentées à la Société des Nations à Genève. Pourtant Genève devint le rendez-vous de fortes personnalités féminines autour de Briand et de Stresemann comme par exemple Louise Weiss, Geneviève Tabouis, Annette Kolb ou Marie Curie. A Vienne à la même époque, des femmes s´engagèrent dans le mouvement européen de Richard Coudenhove-Kalergi. Après la Seconde Guerre mondiale, les Françaises, grâce au droit de vote nouvellement acquis purent s´engager en politique. Mais c´est depuis que l´Union européenne existe que de nombreuses femmes en France et en Autriche, travaillent ensemble à la construction de l´Europe. En 2007, Benita Ferrero-Waldner et Cécilia Sarkozy unirent leurs efforts pour libérer les infirmières bulgares injustement retenues en Libye et mettre un terme à la violation des droits de l´homme. Jusqu´à ce jour l´histoire a été écrite seulement du point de vue masculin. Pourtant le regard de l´histoire change lorsqu´on raconte l´histoire du point de vue féminin. L´Europe fut et est construite par les hommes et les femmes. C´est pourquoi il est important de connaître et de souligner la contribution de ces Autrichiennes et de ces Françaises. 1. Les Femmes Au cours de ces cinq siècles il est incontestable que les femmes apportèrent une dynamique à la vie politique européenne. - Dans un premier temps ce furent surtout des princesses appartenant à la maison royale de France ou d´Autriche qui exercèrent le pouvoir. N´oublions pas que Louise de Savoie et Marguerite d´Autriche étaient toutes deux régentes de leur pays. L´impératrice Marie-Thérèse fut de tous les empereurs de la maison de Habsbourg le souverain qui mena le mieux les affaires de l´état. L´impératrice Zita n´eut de cesse, sa vie durant de servir l´Autriche. Le rôle de Madame de Pompadour est d´autant plus étonnant qu´elle était la maîtresse de Louis XV et de plus d´origine roturière. -A côté de ces princesses de sang royal, d´autres femmes appartenant à l´ aristocratie se sont intéressées à la politique, par exemple la duchesse de Sagan, la princesse de Metternich, la comtesse de Pourtalès ou la comtesse Greffulhe. -Fanny von Arnstein et Madame de Staël viennent elles, du monde de la finance. -A la fin du 19ième siècle et au 20ième siècle ce sont surtout des journalistes d´origine juive comme Berta Zuckerkandl-Szeps, Louise Weiss ou Cécile Brunschvicg ou bien des intellectuelles comme Bertha von Suttner qui s´engagent en politique. -Dans la seconde moitié du XXième siècle des femmes de toute origine travaillent dans les ministères ou les institutions européennes. Pensons par exemple à Johanna Nestor, Brigitte Ederer, Edith Cresson, Benita Ferrero-Waldner ou Ursula Plasnik. Mais toutes, quelle que soit leur origine, sont de vraies Européennes. Leur but fut et reste la construction d´une Europe pacifique. 2. La Diplomatie La diplomatie dont ces femmes usèrent furent différentes mais les buts poursuivis furent toujours les mêmes : la paix et le rapprochement entre la France et l´Autriche. -Louise de Savoie et Marguerite d´Autriche traitèrent d´égale à égale. Elles soumirent leur projet de paix à leur souverain mais se gardèrent assez de liberté pour négocier seules, face à face et prendre la décision finale. Elles utilisèrent aussi la diplomatie secrète afin de préparer le Traité de Cambrai. -L´impératrice Marie-Thérèse et Madame de Pompadour traitèrent elles différemment. Une impératrice ne pouvait traiter directement avec la maîtresse du roi de France. Les ministres des Affaires étrangères, les diplomates intervinrent alors. -Pendant le Congrès de Vienne la politique se fit dans les salons. Les femmes trouvaient là les renseignements car ces salons étaient le rendez-vous des diplomates de toute l ´Europe. Les princesses de Sagan pouvaient influencer d´un côté Metternich (Wilhelmine) de l´autre Talleyrand (Dorothée). -Il en fut de même sous le Second Empire. Dans un tourbillon des « folies » à Compiègne ou à Fontainebleau les femmes essayèrent de jouer un rôle en politique. Elles tentèrent aussi une diplomatie culturelle. Pauline de Metternich essaya d´imposer Richard Wagner en France et Mélanie de Pourtalès de conserver à l´Alsace sa culture française. -Avant la Première Guerre mondiale, les femmes vont s´impliquer directement et essayer de négocier avec les hommes politiques. Berta Zuckerkandl-Szeps rencontra Clemenceau pour essayer de parvenir à un rapprochement entre la France et l´Autriche. Bertha von Suttner parcourut l´Europe et les Etats-Unis pour empêcher la guerre. -Après l´hécatombe de 1914-1918 les femmes continuèrent à lutter pour empêcher une autre guerre. Elles travaillèrent autour de la Société des Nations, soutinrent Stresemann et Briand. -Mais c´est seulement après la seconde Guerre mondiale que la position de la femme change dans la société mais aussi dans la diplomatie. Les femmes ne vont plus agir seules mais au sein des institutions nationales ou des organisations internationales. L´Union européenne offre aux femmes la possibilité de s´exprimer et de s´engager. Simone Veil et Nicole Fontaine furent à vingt ans d´intervalle présidente du Parlement européen. Jacques Delors avait encouragé les femmes à participer à la construction de l´Europe. Manuel José Barroso, l´actuel président de la Commission européenne s´engagea pour une parité homme/ femme mais le résultat ne fut pas à la hauteur de l´attente. -Aujourd´hui les hommes et les femmes doivent s´adapter à la nouvelle situation de la diplomatie dans toute sa diversité. Ils doivent posséder les nouvelles technologies s´ ils veulent occuper de hautes fonctions ou les postes dans les ambassades européennes de demain. 3. La mémoire collective et culturelle dans l´histoire européenne Les traces laissées dans l´histoire ou dans la mémoire culturelle par l´action diplomatique de toutes ces femmes sont d´ordres différents. -Il y a tout d´abord ce que nous appellerons la mémoire oubliée ou disparue. Tout un chacun connaît François Ier ou Charles Quint mais peu de personnes connaissent Louise de Savoie et Marguerite d´Autriche. Madame de Pompadour reste dans la mémoire collective comme la maîtresse de Louis XV. Le rôle important qu´elle joua dans le renversement des alliances est jusqu´à ce jour minimisé. Lors du Congrès de Vienne, seules les actions de Metternich et de Talleyrand sont soulignées. -A côté de cette mémoire oubliée ou disparue, certaines femmes et leur action diplomatique restent bien vivantes dans la mémoire culturelle d´un pays mais sont sorties complètement de la mémoire culturelle de l´autre pays. Pauline de Metternich a laissé des traces en Autriche mais peu connue en France. De même, Mélanie de Pourtalès est inconnue en Autriche mais reste bien vivante en Alsace. -Certaines femmes furent délibérément oubliées. C´ est ce que nous appellerons la mémoire refoulée. C´est particulièrement le cas des femmes d´origine juive en Autriche. Le meilleur exemple est le sort qui fut réservé à Fanny von Arnstein. -Aujourd´hui on trouve de nombreux lieux de mémoire comme les nomme et les définit Pierre Nora : ce sont par exemple des timbres-poste à l´effigie de Annette Kolb ou Bertha von Suttner, des plaques commémoratives pour Berta von Zuckerkandl-Szeps ou Irene Harand, des billets de banque ou des pièces de monnaie pour Marie Curie ou Bertha von Suttner, des tableaux immortalisant la beauté de Mélanie de Pourtalès ou de la comtesse de Greffulhe, des poésies chantant la gloire de Louise de Savoie, des personnages de la littérature européenne incarnant Dorothée de Talleyrand-Périgord. Certaines femmes ont elles-mêmes bâti leur lieu de mémoire : Marguerite d´Autriche s´est immortalisée en faisant construire la magnifique église de Brou. Madame de Pompadour fit embellir et construire de nombreux châteaux et son nom reste lié à la porcelaine de Sèvres. Quant à l´impératrice Marie-Thérèse son empreinte se retrouve partout à Vienne. Marie Curie en recevant par deux fois le Prix Nobel pour ses travaux scientifiques et Bertha von Suttner en publiant son livre « A bas les armes ! » et en recevant elle aussi un Prix Nobel, celui de la paix, sont passées toutes deux directement dans la mémoire européenne. D´autres comme Geneviève Tabouis ou Brigitte Ederer restent vivantes dans la mémoire communicative. Il est encore trop tôt pour dire ce que l´histoire réserve aux femmes qui ont joué un rôle politique après 1945. Mais Christiane Scrivener ou Simone Veil qui ont donné leur nom à une loi, ont trouvé leur place dans l´histoire. Simone Veil, depuis son entrée à l´Académie française, est devenue une « Immortelle ».