Thèse soutenue

En deça et au-delà du scepticisme : Montaigne et la question des règles de l'esprit

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Auteur / Autrice : Bernard Sève
Direction : Francis Wolff
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie
Date : Soutenance en 2006
Etablissement(s) : Paris 1

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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La philosophie de Montaigne est le plus souvent envisagée dans sa seule dimension sceptique. Cette lecture n'est pas fausse, mais partielle. Elle méconnaît la différence entre l'esprit, qui invente, et la raison, qui démontre. Livré à lui-même, l'esprit divague et crée de toutes pièces des problèmes artificiels, lesquels créent la " situation sceptique ", situation dans laquelle le scepticisme apparaît comme la moins mauvaise des solutions. Montaigne met ainsi en lumière un en deçà du scepticisme. L'expérience, dépourvue d'ordre et de régularité, ne peut servir à régler l'esprit. Trois principes permettent néanmoins de régler indirectement l'esprit: la coutume, le corps, la " conférence". Issues de l'esprit déréglé, les coutumes contribuent pourtant à le régler et fonctionnent comme de véritables " règles supplétives" ; elles sont, par là, justifiées. Contrairement à l'esprit, le corps est naturellement réglé, et sait mesurer avec justesse les charges qui pèsent sur lui; il peut, de par sa " couture" avec l'esprit, contribuer à fixer sa folle volubilité. La conférence ne se confond ni avec la conversation mondaine ni avec la disputatio universitaire; elle est la confrontation de deux esprits vigoureux, et se déploie selon un système cohérent de règles. Ces règles de la conférence peuvent permettre à l'esprit de se régler; elles sont respectées par Montaigne dans l'écriture des Essais. Ces analyses de Montaigne concernant la coutume, le corps et la conférence se déploient au-delà du scepticisme entendu comme critique de la raison. L'esprit trouve enfin ses propres règles dans son usage pratique: la générosité, qui est d'abord une vertu de l'esprit, est au cœur de l'éthique montanienne. Cette éthique fonde une philosophie de l'action " sur fond d'indifférence ". Le scepticisme de Montaigne n'est ainsi nullement annulé: il est comme " encadré" par une éthique et une philosophie qui entend non pas " être réveillée ", mais se tenir perpétuellement en éveil.