Thèse soutenue

Troubles d'utilisation d'outils et de la cognition numérique après lésions vasculaires cérébrales : deux faces d'une même pièce ?

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Auteur / Autrice : Alexandrine Faye
Direction : François OsiurakSophie Jacquin-Courtois
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Psychologie
Date : Soutenance le 12/12/2018
Etablissement(s) : Lyon
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Neurosciences et Cognition (NSCo) (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire d’Étude des Mécanismes Cognitifs Lyon - Laboratoire d'étude des mécanismes cognitifs
établissement opérateur d'inscriptions : Université Lumière (Lyon ; 1969-....)
Jury : Président / Présidente : Jérémy Besnard
Rapporteurs / Rapporteuses : Sylvie Droit-Volet, Didier Le Gall

Résumé

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L’utilisation d’outils est un trait définitoire du genre Homo. Il est donc fondamental de mieux connaître les bases cognitives et cérébrales nous permettant d’utiliser des outils. Les modèles cognitivistes actuels expliquent l’utilisation d’outils à travers l’hypothèse de l’activation d’une mémoire gestuelle (i.e., engrammes gestuels ou visuo-kinétiques, ou connaissances sensorimotrices sur la manipulation ; voir Rothi, Ochipa, & Heilman, 1991 ; Buxbaum, 2001) ? Cette hypothèse ne permet toutefois pas de comprendre l’utilisation d’outils nouveaux. Une hypothèse alternative a été établie, suggérant que toute situation d’utilisation d’outils (familiers et nouveaux) requière un raisonnement technique (e.g., Osiurak & Badets, 2016). Ce type de raisonnement, qui impliquerait le lobe pariétal inférieur gauche, nous permettrait de formuler l’action mécanique et d’évaluer les propriétés physiques des outils et des objets. Dans le cadre de cette hypothèse, l’une des finalités de cette thèse était de mieux comprendre les troubles d’utilisation d’outils chez des patients cérébro-lésés. Le présent travail s’est également porté sur l’investigation de la cognition numérique. Par ce terme, nous ne faisons pas uniquement référence au calcul mental ou à l’arithmétique. Nous englobons également ce que Dehaene et Cohen (1995) ont nommé code analogique dans leur Modèle du Triple Code. Ce code stockerait les représentations des quantités numériques au sein des lobes pariétaux. Autrement dit, il contiendrait le sens du nombre (Dehaene, 1997) permettant d’associer une étiquette symbolique (e.g., chiffre arabe) à la quantité correspondante. Au quotidien, ce serait grâce à ces représentations que nous pourrions comparer ou estimer la numérosité des ensembles d’objets. L’objectif principal de cette thèse était de rapprocher, tant au niveau cognitif que cérébral, ces deux domaines d’intérêt que sont l’utilisation d’outils et la cognition numérique. En effet, nous avons remarqué que ces deux capacités nécessitaient toutes deux un processus commun d’estimation de la magnitude (i.e., magnitude des propriétés physiques et magnitude des quantités numériques). En outre, au niveau cérébral, elles nécessitent l’activation de régions communes dans le lobe pariétal. Pour penser ce lien, nous nous sommes appuyés sur la théorie de la magnitude (ATOM) formulée par Walsh (2003). Celui-ci postule que toutes les magnitudes, c’est-à-dire toutes les dimensions qui peuvent être décrites par des relations « plus que/moins que », soient traitées au sein d’un système commun et unique dans le lobe pariétal droit (Bueti & Walsh, 2009). Nous avons supposé que la magnitude des propriétés physiques pourrait être traitée dans ce système au même titre que les magnitudes discrètes (e.g., numérosité) et continues (e.g., temps, espace). Nos résultats ont mis en évidence un trouble de l’utilisation d’outils nouveaux chez les patients LBD, sans difficultés apparentes pour estimer les propriétés physiques. Les patients RBD étaient déficitaires dans toutes les conditions évaluant la cognition numérique, contredisant les prédictions issues du TCM. Ces patients étaient également en difficulté pour estimer la longueur mais pas le poids. Comme des associations entre estimation de la longueur et du poids, et entre estimation de la longueur et cognition numérique ont été observées dans les différents groupes, nous suggérons que le système de magnitude soit divisé en sous-systèmes. Fait étonnant, nous avons trouvé une association entre utilisation d’outils et calcul approximatif chez les patients LBD supposant une tentative de compensation de l’utilisation par le calcul. Finalement, il semble que l’utilisation d’outils et la cognition numérique reposent sur des mécanismes neurocognitifs distincts, puisque les différents types de magnitudes ne paraissent pas être traités au sein d’un système commun et unique.