Thèse soutenue

La branche médiane de la faille Nord Anatolienne dans la région d'Iznik : apports de la géomorphologie et de l'archéosismologie

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Auteur / Autrice : Yacine Benjelloun
Direction : Julia de Bernardy de Sigoyer
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de la Terre et de l'Univers et de l'Environnement
Date : Soutenance le 27/11/2017
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes (ComUE)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de la terre, de l’environnement et des planètes (Grenoble ; 199.-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut des sciences de la Terre (Grenoble)
Jury : Président / Présidente : Attila Çiner
Examinateurs / Examinatrices : Jean-Philippe Goiran, Hélène Dessales
Rapporteurs / Rapporteuses : Yann Klinger, Klaus Reicherter

Résumé

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La faille nord anatolienne (NAF), une zone de faille dextre longue de 1000 km est caractérisée par un fort aléa sismique. Elle accommode le mouvement vers l’ouest de l’Anatolie par rapport à l’Eurasie. Dans sa partie ouest, la NAF se divise en trois branches, dont une borde le sud de la mer de Marmara et du lac d’Iznik. Ce segment médian de la NAF (MNAF) présente aujourd’hui une très faible sismicité. Pourtant, cette zone se caractérise par un risque sismique élevé à l’échelle des deux derniers millénaires. Plus de six séismes sont décrits par les auteurs anciens et causèrent des destructions dans la ville d’Iznik (ancienne Nicée), un centre politique et religieux important aux époques hellénistique et romaine. Notre étude a pour but de contraindre l’activité sismique récente de la MNAF dans la région d’Iznik à plusieurs échelles de temps, par une approche pluridisciplinaire combinant géosciences et archéologie.Le premier objectif de cette thèse est de développer l’étude des bâtiments anciens comme archives de la sismicité historique en observant leurs endommagements et réparations successifs. La ville de Nicée est appropriée pour ce type d’étude puisqu’elle présente plusieurs bâtiments préservés portant les traces de nombreuses réparations. J’ai concentré mon travail sur des infrastructures critiques comme la muraille défensive longue de 3 km. Cela inclut aussi l’aqueduc de la ville, recoupé par une faille active, ainsi qu’une basilique romaine découverte récemment sous les eaux du lac d’Iznik à 20 m de la côte. En appliquant plusieurs techniques de datation (stratigraphie des édifices, 14C) sur les bâtiments, j’ai pu identifier au moins trois séismes sources d’endommagement depuis le 6e siècle. La répartition des dommages sur les bâtiments permet d’estimer des intensités locales de VIII sur l’échelle macrosismique européenne (EMS98). Grâce à des simulations numériques, je montre que les déformations visibles sur un obélisque romain au nord d’Iznik sont compatibles avec des magnitudes proches de Mw 7 pour des distances épicentrales inférieures à 15 km.Le deuxième objectif de cette thèse est de contraindre la vitesse de glissement quaternaire sur la MNAF et de mieux comprendre la formation du lac d’Iznik à l’ouest de la ville. Ce lac de 313 km² est le plus grand lac d’eau douce de la région de Marmara. Les principales failles autour du lac ont été cartées avec un MNT de haute résolution dérivé d’images Pléiades. Les marqueurs géomorphologiques décalés par la MNAF ont fait l’objet de mesures systématiques. L’analyse statistique de ces décalages a mis en évidence six ruptures majeures préservées dans le paysage, avec des déplacements cosismiques entre 2 et 6 m. Les âges de trois niveaux de terrasses lacustres au nord du lac ont été quantifiés par radiocarbone et 10Be produit in situ. J’ai pu déterminer un taux de glissement horizontal minimum de 2.9 mm/yr. Le basculement vers le sud des paléorivages est compatible avec un taux de glissement vertical élevé sur la MNAF autour de 6 mm/yr.En travaillant sur la morphologie et les lithologies de la région d’Iznik, nous avons découvert des preuves d’épisodes glaciaires LGM. La morphologie en U de plusieurs vallées à l’est du lac d’Iznik, séparées par des sauts topographiques correspond à l’empreinte d’anciens glaciers. Cette hypothèse est confirmée par la présence de moraines en bord de vallée, de blocs erratiques aux lithologies variées, et de sédiments glacio-lacustres. La distribution spatiale de ces marqueurs morphologiques et lithologiques nous permet de reconstruire l’emplacement et le retrait vers l’est de ce glacier. Les âges absolus des dépôts glaciaires et des alluvions postérieurs à la glaciation sont compatibles avec des proxies paléoenvironnementaux provenant du lac d’Iznik et les études réalisées sur d’autres glaciers turcs LGM. Il s’agit de la première découverte de glaciers à si basse altitude en Turquie.