Thèse soutenue

Comprendre les fortes densités de cerfs en milieux fortement abroutis : le rôle de la nourriture et de la peur chez le cerf-à-queue-noire de Sitka

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Auteur / Autrice : Soizic Le Saout
Direction : Jean-Louis MartinSimon Chamaillé-Jammes
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Evolution, Ecologie, Ressources Génétiques, Paléontologie
Date : Soutenance le 03/12/2013
Etablissement(s) : Montpellier 2
Ecole(s) doctorale(s) : Systèmes Intégrés en Biologie, Agronomie, Géosciences, Hydrosciences, Environnement (Montpellier ; École Doctorale ; 2009-2015)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (Montpellier) - Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive
Jury : Examinateurs / Examinatrices : Jean-Louis Martin, Simon Chamaillé-Jammes, Daniel T. Blumstein, Hervé Fritz, Sonia Saïd, Anne Charmantier
Rapporteurs / Rapporteuses : Daniel T. Blumstein, Hervé Fritz

Résumé

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L'augmentation de populations de cerfs pose d'importants problèmes écologiques et socio-économiques à l'échelle locale et mondiale. Des signes de densité-dépendance sont souvent observés, mais les cerfs restent abondants malgré l'importante dégradation du milieu qu'ils provoquent. Ceci soulève la question de l'ajustement des cerfs aux changements de milieu qu'ils créent ? Nous avons abordé cette question en recherchant comment les cerfs gèrent leur ressource alimentaire en fonction du risque de prédation. La prédation, en plus de son effet consommateur (élimination de proie), peut moduler le comportement et la physiologie des proies (effet non consommateur) qui doivent balancer le fait de se nourrir et le risque de prédation. Cette étude contribue à mieux comprendre comment les cerfs maintiennent d'abondantes populations dans des milieux qu'ils ont eux-mêmes appauvris.Notre projet s'est intéressé au cerf-à-queue-noire Sitka (Odocoileus hemionus sitkensis) sur trois îles de l'archipel d'Haïda Gwaii (B.C., Canada). Ces îles sont dépourvues des principaux prédateurs naturels du cerf (loup et puma) et ont été colonisées par les cerfs il y a plus de 60 ans. Lors de notre étude, ces îles présentaient des niveaux contrastés de nourriture et de risque de prédation : sur deux îles, les cerfs vivaient sans prédateur mais avaient fortement appauvri leur milieu (îles sans risque/pauvre). Sur la troisième île, les cerfs étaient chassés et bénéficiaient d'un sous-bois forestier partiellement restauré comme nourriture (île risquée/riche).Dans ce cadre, nous avons étudié : 1) sur quelles ressources les cerfs pouvaient maintenir de denses populations dans des milieux très abroutis ?; 2) comment le stress alimentaire ou le risque de prédation influençaient la réponse physiologique au stress des cerfs?; 3) les cerfs naïfs à la prédation ont-ils maintenu des niveaux de vigilance dans des milieux très abroutis et comment répondaient-ils à des stimuli olfactifs de prédateurs ?; et 4) comment, dans des milieux très abroutis, les cerfs naïfs à la prédation répondaient-ils à une chasse expérimentale pour faire peur et comment cela affectait la végétation ?Notre étude a montré que : 1) les chutes de feuilles de la canopée et la pousse annuelle de plantes rhizomateuses offraient une grande quantité d'énergie pour les cerfs et contribuaient au maintien de denses populations de cerfs dans des milieux appauvris ; 2) La présence de stress alimentaire ou de risque de prédation n'affectaient pas la réponse physiologique au stress des cerfs, suggérant l'existence d' ajustements comportementaux et/ou physiologiques permettant de réduire l'exposition des cerfs à ces deux stresseurs ; 3) sur les îles sans risque/pauvre, les cerfs ont maintenu la vigilance malgré 60 ans d'isolation à la prédation. En outre, les cerfs naïfs à la prédation évitaient de manger en présence d'urine de loup (dangereux) mais pas en présence d'urine d'ours (moins dangereux), suggérant que les cerfs présentaient une stratégie innée de nourrissage sensible au risque. Les cerfs restaient aussi moins longtemps aux stations d'appâtage en présence d'urine de loup mais n'augmentaient pas leur niveau de vigilance, suggérant qu'ils géraient le risque spatialement plutôt que par la vigilance ; 4) En réponse à une chasse expérimentale pour faire peur réalisée sur une des îles sans risque/pauvre, seuls les cerfs les moins tolérant à la perturbation humaines évitaient la zone chassée. Ceci souligna l'importance de la sélection des traits comportementaux induis par l'homme dans la gestion de la faune et de la flore. Nous avons aussi suivi la croissance de quatre espèces de plantes côtières à croissance rapide et avons montré que notre chasse expérimentale favorisait la croissance de la moitié d'entre elles, soulignant l'interaction complexe entre le comportement de nourrissage et les caractéristiques des plantes, ainsi que l'importance des objectifs dans le choix des outils de gestion.