Thèse soutenue

Les formes de la fête dans un certain cinéma français des années trente

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Auteur / Autrice : Patrick Delourme
Direction : Suzanne Liandrat-Guigues
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Études cinématographiques
Date : Soutenance en 2009
Etablissement(s) : Lille 3

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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Le principe d'une étude des formes de la fête dans un certain cinéma français des années trente s'enracine dans un contexte historique précis et particulier : celui, d'une part, d'une prospérité perturbée par la crise économique que génère le krach boursier de 1929, celui d'une montée des périls, d'autre part, orchestrée par des totalitarismes triomphants et des dangers qui menacent et compromettent la paix. Aussi la problématique de la fête est-elle paradoxalement conjointe à celle de la guerre comme événement pressenti tout d'abord, comme aboutissement de la décennie ensuite, accompli dans les faits de la Seconde Guerre mondiale. La réflexion associe par conséquent un geste artistique proprement fictif, la fête, et une situation historique proprement réelle et factuelle, la guerre. Une sorte de fatalité, indéfinissable et complexe, envelope donc cette période de l'Histoire et impose non seulement l'émergence d'une forme de tragique, mais encore une définition ressourcée de ce registre, à la mesure notamment de ce qu'il est convenu d'appeler "le tragique quotidien". Dans cette perspective, un premier enjeu critique se dégage d'une typologie de la fête, relative aux traditions familiales comme à ses manifestations sociales et civiles. Cette approche sera l'occasion de porter un regard parfois caustique sur l'organisation sociale et ses structures, amis aussi sur la validité des liens qui unissent les membres d'une famille et dont la fête, censée en perpétuer l'existence et en célébrer l'harmonie, en révèle parfois plutôt l'inanité et la cruauté. Dans quelle mesure, alors, la fête familiale relève-t-elle plutôt d'une forme rituelle et sacrificielle propice au délitement social et moral ? Le comique et la dérision caractérisant le traitement de ces films ne seraient que les aspects contigus d'un tragique sous-jacent mais réel. De cette première mise en perspective esthétique naît ensuite la question sociale, favorisée non seulement par les formes civiles de la fête évoquées précédemment, mais encore par le contexte du Front Populaire et des revendications qui en résultent. Une nouvelle typologie de la fête surgit en effet d'un progrès social dont les premiers congés payés sont l'un des signes les plus tangibles. Le cinéma français s'empare alors d'un univers merveilleux et prometteur, riche des séquences de guinguettes sur les bords de la Seine ou de la Marne, des bals populaires à l'occasion desquels l'hymne national, les refrains et les rengaines sont repris en chœur par une foule "en chantée", apparemment " à l'unisson". Toutefois, les illusions sont de courte durée et il sera montré, au delà du cliché social, que le cinéma anticipe un retour à la réalité par une poétique du désenchantement que caractérise un inéluctable revers. En effet, la fête n'est plus seulement le mouvement de liesse ou la manifestation sociale réjouie, elle rend compte désormais d'un leurre qui redessine, en fait, une humanité en souffrance, en proie à des égarements comme aux tentations qui en déterminent la condition intrinsèque, celle des invariants de la nature humaine. Aussi la fête s'affirme-t-elle comme un détour par lequel un tragique déjà-là, toujours présent, manifeste un destin qui ratttrape inexorablement ses héros et contamine en conséquence les foules. Il semble alors que la signification proprement civile ou historique de la fête soit dépassée par son mouvement dans l'espace et sa mise en scène comme univers surhumain, constitué de signes essentiellement poétiques et trans-historiques. Le cinéma de la décennie révélerait, en effet, autant une vision de l'Homme que l'étude d'une génération confrontée aux contingences de l'Histoire. De ce constat désabusé surgit alors une dernière typologie de la fête, nourrie des traditions du carnavalesque et de la pantomine grotesque du monde. Il s'agit ainsi de dénoncer par ce spectacle de la "défaite avant la déclaration" de la guerre, dans une perspective, cette fois, de dépassement, l'injustice sociale, l'absurdité de son organisation et de ridiculiser l'incompétence comme l'égoïsme d'une classe dominante. Un air du temps inquiet et frileux, qui s'inspire certes des "faits du jour", le cède à la poésie d'une mascarade, celle d'un monde aux valeurs renversées comme forme et approche d'une vérité humaine. En conséquence, la problématique de la fête ne se fonde sur un axe chronologique que pour mieux le dépasser, au profit d'une Modernité de son traitement, dégageant du festif non seulement ce qu'elle recèle de vraisemblable et d'éternel, mais encore de permanent et d'intangible dans la perspective, cette fois, d'un tragique de la permanence. Ainsi, le tragique reconquiert par le mouvement de la fête au cinéma, une autorité modernisée comme forme poétique "plus vraie que l'Histoire"