Thèse soutenue

De Boké à Gardanne, l’expérience des travailleurs de la bauxite au prisme de la justice environnementale

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Auteur / Autrice : Mody Diaw
Direction : Valérie Deldrève
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie
Date : Soutenance le 18/11/2024
Etablissement(s) : Bordeaux
Ecole(s) doctorale(s) : Sociétés, Politique, Santé Publique
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Environnement, territoires et infrastructures
Jury : Président / Présidente : Antoine Roger
Examinateurs / Examinatrices : Pablo Corral Broto, Astou Diao Camara
Rapporteur / Rapporteuse : Soraya Boudia, Ivan Sainsaulieu

Résumé

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Depuis plusieurs années, la question des rejets liquides et solides issus de l’extraction de l’alumine de la bauxite par l’usine d’Alteo Gardanne (France) est devenu un problème public grâce à la mobilisation d’associations environnementales, de collectifs d’usagers des Calanques et de riverains de l’usine et du site de stockage des déchets solides, qui dénoncent les impacts sur l’environnement et la santé des habitants. La manière dont le problème est défini par ces mobilisations lui confère une dimension locale (Deldrève et Metin, 20191), alors que, depuis l’épuisement des mines de bauxite de Provence, l’usine d’alumine Alteo (appartenant antérieurement à Pechiney puis Rio Tinto), continue sa production en s’approvisionnant en bauxite auprès de la Compagnie des Bauxites de Guinée (CBG), qui exploite les gisements de la région de Boké où les communautés riveraines des mines dénoncent aussi les conséquences socio-environnementales et sanitaires de la politique nationale d’extraction de la bauxite2. Ainsi, la trajectoire de la bauxite confère au problème, une dimension internationale et générique. En outre, alors que de la Guinée à Gardanne, les enjeux environnementaux et sanitaires pour les communautés riveraines des sites d’exploitation et de transformation ou encore des voies de transport de la bauxite sont largement publicisés, ceux liés à la santé et aux conditions de travail des ouvriers qui extraient, transportent et transforment la bauxite restent invisibilisés. Les études en épidémiologie qui se sont intéressées à la situation des travailleurs de la bauxite portent généralement sur les mesures de leur exposition aux rayons gamma et aux niveaux de concentration des composantes des poussières inhalées dans les mines et dans les raffineries (Brian et al., 20123 ; Dennekamp et al., 20154). Les conclusions de ces études sur l’exposition au risque des ouvriers ont donné lieu à des controverses et leurs approches consistant à mesurer des moyennes et non des expositions réelles sont largement critiquées (G. Hecht, 20125), du fait qu’elles ne permettent pas de prendre en compte les différences d’exposition liées aux différentes situations de travail. Aussi, cette thèse en sociologie qui, s’inscrit dans un projet de recherche pluridisciplinaire en sciences sociales (Justbaux)6, a pour objectif de comprendre le rapport des ouvriers à la bauxite et leur expérience du travail et des risques. Qui sont les travailleurs sur la trajectoire de la bauxite ? Quels sont les enjeux de justice et inégalités environnementales qui se donnent à lire dans leur rapport à la bauxite ? Quelles sont leurs positions face aux mobilisations des riverains (dont ils font parfois partie) et des écologistes ? Comment qualifient-ils la matière et définissent-ils les problèmes liés à son exploitation ? Je fais l’hypothèse que le rapport à la bauxite et l’expérience des risques liés à son extraction, sa transformation et son transport, sont non seulement fonction des situations de travail, des techniques employées et réglementations appliquées, mais aussi du statut des ouvriers, de leur précarité et dépendance à la compagnie qui les emploie. Pour vérifier cette hypothèse, je mobilise un cadre d’analyse qui emprunte ses concepts à la sociologie du travail et à la justice environnementale. Ma démarche est qualitative. Elle comprend des entretiens semi-directifs avec des ouvriers situés à différentes étapes de la trajectoire de la bauxite ainsi que des observations de leurs situations de travail et activités. Cette ethnographie du travail dans les mines en Guinée, aux côtés des transporteurs, au sein de l’usine de pré-transformation de la bauxite à Kamsar ou encore de l’usine de production d’alumine à Gardanne, sera conjuguée à un travail d’archives et de documentation.