Mise à l’échelle des interventions complexes en santé publique. Aspects conceptuels et méthodologiques
Auteur / Autrice : | Nolwenn Stevens |
Direction : | François Alla, Henri Bergeron |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Santé publique Option Intervention et économie de la santé |
Date : | Soutenance le 04/11/2024 |
Etablissement(s) : | Bordeaux |
Ecole(s) doctorale(s) : | Sociétés, Politique, Santé Publique |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Bordeaux population Health |
Jury : | Président / Présidente : Aurore Margat |
Examinateurs / Examinatrices : Linda Cambon | |
Rapporteur / Rapporteuse : Cyrille Delpierre, Isabelle Aujoulat |
Mots clés
Résumé
Responsables politiques, chercheurs et acteurs partagent une volonté affichée de mobiliser les données probantes pour bâtir la politique de santé publique. Cette stratégie est motivée par un désir d’équité, un devoir de sécurité et d’efficacité et une nécessité de faire un usage raisonné des ressources. La mise à l’échelle des interventions participerait à la réalisation de cette stratégie. Toutefois, celle-ci n’est pas aisée. Il est nécessaire de baliser et sécuriser cette voie afin que la mise à l’échelle ne soit plus un pari risqué. C’est l’ambition que nous avons poursuivi en menant cette thèse. Notre recherche a été guidée par quatre questions principales : Qu’entend-on par « mise à l’échelle » ? Comment procéder à la mise à l’échelle ? Comment la sécuriser ? Quels défis la recherche interventionnelle en santé des populations doit-elle relever concernant la mise à l’échelle ? L’ensemble de ces questionnements étant circonscrit aux cas des interventions complexes à visée populationnelle. Pour répondre à nos objectifs, deux études ont été conduites successivement. Nous avons réalisé une revue de littérature internationale concernant les cadres et modèles conceptuels, les guides et les outils développés sur la mise à l’échelle des interventions de santé publique. Nous avons ensuite mené des entretiens semi-directifs auprès d’une variété d’acteurs ayant fait l’expérience de la mise à l’échelle d’une intervention de santé publique en contexte français dans l’objectif de recueillir leur expérience et leur perception du processus. Notre recherche a permis d’apporter des éclairages sur le concept même de mise à l’échelle, ainsi que d’en proposer une définition. Par ailleurs, nous proposons de la considérer comme un concept composite intégrant ceux d’implantation, de dissémination et de pérennisation. Elle a également permis de décrire l’éventail de stratégies adoptables pour la déployer que celles-ci concernent : i) l’expansion territoriale de l’intervention, ii) la pérennisation de l’intervention, et enfin iii) l’adéquation au réel. Le processus de mise à l’échelle est supporté par des démarches organisationnelles permettant d’engager la dynamique et un ensemble de huit activités essentielles. Enfin, un ensemble de conditions devront être colligées tandis que certains freins devront être évités. La littérature a permis d’identifier 30 leviers et 28 freins à la mise à l’échelle. Parmi ceux-ci les témoignages des expérimentateurs ont mis en exergue 6 facteurs catalyseurs et 6 inhibiteurs permettant de développer et de détailler les conditions les plus fondamentales qui influencent le processus. Pour finir notre recherche propose de démystifier l’intervention probante mais d’encourager l’adoption de démarches probantes. Elle suggère également de considérer des preuves utiles, plurielles, relatives et ancrées. Les questions liées à la généralisabilité des résultats, intrinsèquement liées à l’ambition de mise à l’échelle nécessitent de plus amples explorations. La reconnaissance identitaire de l’intervention liée à ce qui fonde son efficacité est un impératif qui doit être consolidé méthodologiquement. Tel qu’annoncé par l’expression « science des solutions », nous suggérons de porter notre regard académique au-delà des interventions et de transformer les connaissances issues des recherches interventionnelles en substrat permettant de faire émerger des solutions adaptées aux enjeux et aux situations. Enfin, s’engager dans une politique de mise à l’échelle des interventions nécessiterait également : une plus grande transparence dans le processus de sélection des interventions, une réorientation des financements attribués de l’animation vers les services et activités support et la mise en place de dispositifs de monitorage. L’identification ou la création de structures ressources et expertes, pour accompagner les différentes parties prenantes dans la conduite de ce processus complexe pourrait être d’un grand secours.