Essais en organisation industrielle
Auteur / Autrice : | Sebastián Vergara |
Direction : | Patrick Rey |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sciences Economiques |
Date : | Soutenance le 11/07/2023 |
Etablissement(s) : | Toulouse 1 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École Doctorale Toulouse Sciences Économiques |
Partenaire(s) de recherche : | Equipe de recherche : TSE-R (Toulouse) |
Résumé
La présente thèse se compose de trois chapitres indépendants, dans le domaine de l'organisation industrielle. Les deux premiers chapitres sont liés à la dissuasion à l'entrée dans différents contextes, tandis que le troisième chapitre concerne la collecte de données et le basculement du marché ou market-tipping dans les économies numériques. Le premier chapitre développe un modèle dynamique d'utilisation de contrats du type all-units-discount (AUD) —ou remises de fidélité— par un fournisseur historique, pour dissuader ou retarder l'entrée d'un fournisseur plus efficace. Cela prolonge le travail d'Ide, Montero et Figueroa (2016), qui analyse l'utilisation de tels contrats dans un contexte statique de non-contestabilité, où le fournisseur historique bénéficie d'une part de marché non contestable par l'entrant. Leur contribution est de montrer que, contrairement aux contrats d'exclusivité, les contrats AUD ne peuvent pas exclure un entrant plus efficace dans aucun des modèles post-Chicago, donc leur prévalence est due à des raisons autres que l'exclusion. La contrainte de non-contestabilité reflète tout mécanisme qui empêche initialement la pleine concurrence (par exemple, fidélité à la marque ou contraintes de capacité), mais qui peut être surmontée à l'avenir lors de l'entrée. Dès lors, du point de vue de la concurrence, l'analyse des implications dynamiques est nécessaire et pertinente. Si les détaillants sont des concurrents féroces, les contrats AUD peuvent être un outil rentable pour l'opérateur historique pour s'opposer à l'entrée. Le deuxième chapitre se penche sur la dissuasion à l'entrée —sous la forme d'une trajectoire de prix limite— dans le contexte de la sélection positive. Revisitée par Tirole (2016), la sélection positive fait référence à la caractéristique des marchés des biens non durables où les clients les plus motivés —ceux dont la valorisation du bien est plus élevée— restent sur le marché, tandis que les moins motivés partent, contrairement à la dynamique coasienne des biens durables —sélection négative. Dans ce contexte, un opérateur historique confronté à la menace d'entrée d'un concurrent différencié peut mettre en œuvre une séquence de prix croissants, éventuellement jusqu'à son niveau de monopole, pour dissuader l'entrée de manière rentable. Les prix augmentent en raison de la sortie des clients les moins attirés par l'opérateur historique chaque fois qu'il n'y a pas d'entrée. Cela ouvre la voie à une dynamique d'écrémage, par laquelle l'opérateur historique peut moduler la demande résiduelle de l'entrant et donc réduire ses bénéfices à l'entrée. Cette stratégie a des conséquences négatives pour le bien-être des consommateurs, car les prix augmentent au fil du temps, et le manque d'entrée signifie moins de variété pour les consommateurs. Le troisième chapitre apporte un éclairage sur le rôle de la collecte de données dans la concurrence des entreprises dans une économie numérique. Dans le sillage de la numérisation, le rôle des données dans la concurrence a été un sujet de discussion très pertinent, tant de la part des universitaires que des praticiens. Sans négliger les multiples avantages que des données plus nombreuses et de meilleure qualité peuvent apporter à la société, les données peuvent aussi signifier un avantage concurrentiel préoccupant. Le principal intérêt de cette analyse réside dans les conditions nécessaires au basculement du marché —ou market-tipping— à long terme: les données permettent aux entreprises d'offrir plus de valeur aux consommateurs, mais tout avantage lié aux données n'est que transitoire, car les données peuvent devenir obsolètes. Dans ce contexte, la principale leçon est que les données à elles seules ne suffisent pas pour que les marchés basculent à long terme, en raison de leur obsolescence. Le basculement du marché exige qu'une entreprise ait un avantage structurel, par exemple sous la forme d'une plus grande valeur intrinsèque offerte aux consommateurs.