Anomalies de la mitophagie au cours de la maturation érythroïde dans la drépanocytose
Auteur / Autrice : | Suella Martino |
Direction : | Caroline Le Van Kim |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Immunologie |
Date : | Soutenance le 15/12/2020 |
Etablissement(s) : | Université Paris Cité |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Bio Sorbonne Paris Cité (Paris ; 2014-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Biologie intégrée du globule rouge (Paris ; 2014-....) |
Jury : | Président / Présidente : François Delhommeau |
Examinateurs / Examinatrices : Caroline Le Van Kim, François Delhommeau, Catherine Badens, Damien Roussel, Jean-Benoît Arlet | |
Rapporteur / Rapporteuse : Catherine Badens, Damien Roussel |
Mots clés
Résumé
La drépanocytose, maladie génétique la plus fréquente au monde, est une hémoglobinopathie caractérisée par une anémie hémolytique chronique, des crises vaso-occlusives douloureuses et des atteintes multi-viscérales. Malgré les progrès considérables accomplis ces 10 dernières années, la caractérisation fine des acteurs cellulaires est incomplète, et l’arsenal thérapeutique reste encore faible. La mitophagie, qui est le processus d’élimination spécifique des mitochondries, est un élément clé de l’érythropoïèse tardive, contribuant à la production de globules rouges (GR) fonctionnels. Cependant, chez certains patients drépanocytaires, il a été observé des GR contenant des mitochondries (Jagadeeswaran et al., Exp. Hematol. 2017). Jusqu’à présent, cette population n’a pas été caractérisée et le mécanisme à l’origine de ce phénomène reste inconnu. Notre objectif a été d’identifier des patients drépanocytaires (génotype homozygote SS) présentant des GR contenant des mitochondries, d’étudier la fonctionnalité des mitochondries et le stress oxydant, et d’élucider le mécanisme sous-jacent. Nous avons réalisé, entre 2018 et 2020, une étude prospective sur une cohorte de 30 patients adultes drépanocytaires SS à l’état basal suivis à l’hôpital Européen Georges Pompidou. Nous avons détecté la présence de mitochondries dans les GR par cytométrie en flux, par western-blot (WB) et par microscopie électronique (ME). Nous avons distingué deux groupes de patients en fonction du pourcentage de GR contenant des mitochondries : le groupe >1.3% appelé groupe mito-SS positif (41.4% de la cohorte) et le groupe <1.3% appelé groupe mito-SS négatif. Nous avons également identifié un plus fort taux de mitochondries au sein de la population de réticulocytes totaux et jeunes dans le groupe de patients mito-SS positif, ce qui suggère une rétention des mitochondries dès le stade de réticulocytes jeunes. L’étude par cytométrie en flux et par ME des mitochondries présentes dans les GR a révélé qu’elles n’étaient pas fonctionnelles et produisaient peu de stress oxydant. L’activation des voies de la mitophagie a été étudiée par WB en examinant les protéines majeures de ce mécanisme, NIX et PINK1 qui interviennent dans le recrutement des membranes de l’autophagosome. Nous avons également analysé les protéines chaperonnes Hsp90, Hsp70 et Hsp60, qui, quant à elles, régulent la quantité de PINK1 à la membrane des mitochondries. Nos analyses de WB ont montré une diminution significative de NIX et de PINK1, ainsi qu’une surexpression d’Hsp90 dans les cellules érythroïdes du groupe de patients mito-SS positif comparé au groupe de patients mito-SS négatif. En résumé, nos résultats montrent la présence de GR contenant des mitochondries non fonctionnelles et produisant peu de stress oxydant chez des patients adultes SS. La diminution de NIX et PINK1 suggère fortement un défaut d’activation de la mitophagie qui pourrait expliquer la rétention mitochondriale dès le stade de réticulocytes jeunes. Des études ont montré que l’augmentation d’Hsp90 joue un rôle dans la régulation des voies médiées par le monoxyde d’azote (NO) dans les cellules endothéliales en augmentant la biodisponibilité du NO. Sachant que la diminution du NO contribue à la survenue des crises vaso-occlusives dans la drépanocytose, nous émettons l’hypothèse que la surexpression de cette chaperonne dans le groupe de patients mito-SS positif pourrait représenter un mécanisme compensatoire, via une augmentation du NO, participant ainsi à la prévention d’épisodes vaso-occlusifs dans le groupe de patients mito-SS positif. Bien que des études sur des cohortes plus importantes doivent absolument être menées, ces données mettent en évidence pour la première fois les protéines NIX, PINK1 et Hsp90 en tant que nouveaux acteurs moléculaires impliqués dans la physiopathologie de la drépanocytose.