Le Journal intime d’Henri-Frédéric Amiel : l’écriture de soi à l’épreuve du temps
Auteur / Autrice : | Géraldine Sauquet |
Direction : | Michel Braud |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | LItterature française et francophone |
Date : | Soutenance le 16/10/2020 |
Etablissement(s) : | Pau |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale sciences sociales et humanités (Pau, Pyrénées Atlantiques) |
Mots clés
Résumé
Tenir un journal personnel est une pratique d’écriture qui connaît un véritable essor au XIXe siècle, à la faveur de la laïcisation de l’aveu et du culte de l’intime. Le journal intime configure en outre une écriture des jours et une écriture de soi qui reflètent une nouvelle perception du temps et imposent une autre conception de la personne, héritée du siècle des Lumières.C’est précisément ce qu’illustre le journal intime qu’Henri-Frédéric Amiel écrit de 1838 à 1881, année de sa mort. À la croisée de l’histoire des mentalités, d’une histoire individuelle et de l’histoire littéraire des écritures de soi, les 16900 pages qui composent ce journal au long cours forment un « livre de vie » remarquable. Sa lecture révèle l’évolution conjointe de la notion d’identité personnelle et des modalités de déchiffrement de soi qui émergent durant ce siècle.Considéré comme l’archétype du diariste, Amiel procède en effet à une étude de soi inédite par sa constance, son audace, comme par la poétique de l’écriture de l’intime qu’elle inaugure. Introspectif et analytique, son journal reflète également les représentations imaginaires d’une époque, tout comme il témoigne des bouleversements d’un monde déserté par la transcendance, où l’individu affronte seul sa destinée personnelle. De ce fait, la conscience de soi est tourmentée par de nouvelles formes d’anxiété et de culpabilité qui s’expriment dans le retrait et le secret d’une écriture de soi, où l’aveu intime dessine un autoportrait complexe et émouvant à la fois.Le journal intime d’Amiel est ainsi écrit à la croisée d’un romantisme désenchanté, d’un projet de soi hérité des Idéologues, et de mutations historiques qui font advenir une forme d’individualisme libéral, dans un monde désormais anomique. L’expérience d’un désaccord fondamental libère alors une écriture de la marginalité, de la clandestinité et de la contestation, mais elle favorise également un processus d’analyse de soi inédit, interroge ce qui fonde l’identité personnelle, tente de cerner les contours d’un moi toujours plus fuyant au fil des jours et des fragments d’écriture journaliers.Resté secret du vivant de son auteur, le journal d’Amiel ne fut intégralement édité qu’en 1994 ; sa publication enrichit la réflexion conduite sur l’écriture de l’intime, sur sa destination et sa réception, mais aussi sur la littérarité d’un genre qui fut longtemps questionnée, et que le XIXe siècle éclaire à un moment déterminant de son histoire.