L'appropriation du manga en France : enquête sur la genèse d’un univers culturel spécifique, la constitution et l’expression des goûts et manières de lire, les parcours de lecteurs et lectrices adultes

The appropriation of manga in France : an investigation into the genesis of a specific cultural universe, the constitution and expression of reading tastes and habits, and the trajectories of adult readers

• Auteur / Autrice : Olivier Vanhée
• Direction : Bernard Lahire
• Type : Thèse de doctorat
• Discipline(s) : Socio Anthropologie
• Date : Soutenance le 26/09/2019
• Etablissement(s) : Lyon
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences sociales (Lyon)
• Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Centre Max Weber (Lyon ; Saint-Étienne ; 2011-....)
• Partenaire(s) de recherche : établissement opérateur d'inscriptions : Université Lumière (Lyon ; 1969-....)
• Jury : Président / Présidente : Christine Détrez
• Jury : Examinateurs / Examinatrices : Dominique Pasquier
• Jury : Rapporteurs / Rapporteuses : Stéphane Bonnéry, Annie Collovald

Mots clés

Mots clés contrôlés

Livres et lecture -- Sociologie

Mots clés libres

Lecture

Socialisation

Appropriation

Usages du numérique

Manga

Trajectoire biographique

Socialization

Reading habits

Cultural tastes

Manga

Lifecourse perspective

Digital uses

Amateur cultural activities

Résumé

Ce travail de thèse porte sur le goût pour le manga et les pratiques de lecture de mangas en France sur une période qui s’étend des années 1970 aux années 2010. Fondé sur l’analyse d’entretiens approfondis réalisés auprès de 80 lecteurs et lectrices adultes (nés entre 1957 et 1990) et d’un corpus de documents imprimés, numériques et audiovisuels, il étudie de manière conjuguée l’émergence d’une catégorie d’imprimés et de contenu numérique (« le manga »), la mise en place d’un univers culturel spécifique autour des bandes dessinées japonaises (festivals, boutiques, fanzines, magazines, blogs, etc), la construction, l’expression et la transformation des goûts et des manières de lire. Cette approche sociohistorique et processuelle distingue plusieurs configurations de « l’offre » et met au jour les sollicitations en jeu dans la fabrique du goût pour le manga, en particulier les réseaux de sociabilité, les dispositifs de communication et les agencements de pratiques numériques et festivalières qui étayent ce type d’intérêt culturel. En raison de l’ancrage des mangas dans des constellations de biens symboliques, de médias et de produits dérivés (notamment l’animation et le jeu vidéo), l’enquête s’attache à restituer les formes historiques et les usages contrastés de ce « media mix » japonais, les sollicitations lectorales qui en procèdent, sans négliger les produits incorporés de la socialisation culturelle (familiale et scolaire, amicale et conjugale), les agendas de loisir des enquêtés, leur horizon d’attente en matière de culture visuelle et de fiction sérialisée. Elle prend en compte les transformations des supports de lecture, des réseaux de distribution des mangas et de l’offre éditoriale, des frontières symboliques et morales qui délimitent et traversent cet univers, et des formes de recommandation, de critique et de promotion (issues du secteur professionnel de l’édition, de la presse spécialisée et de la critique culturelle ou de l’expression d’amateurs). Les parcours de lecture, plus ou moins durables et intenses, sont resitués à la fois dans un paysage éditorial, médiatique et numérique en pleine transformation, et dans des trajectoires biographiques qui vont de l’enfance à la vie active. Ils attestent d’articulations variables entre vie professionnelle, vie familiale, loisirs et goûts culturels, et du poids des déterminations matérielles et biographiques d’une pratique culturelle.La constitution de la population interrogée, visant à représenter à parts égales les classes et fractions de classe, permet d’étudier la différenciation des préférences et des habitudes de lecture selon les propriétés sociales et les dispositions culturelles des enquêtés, et de tenir compte des lecteurs et lectrices issus (ou membres) des classes populaires ou vivant dans une situation précaire, souvent négligés dans les études sur les fans. L’enquête montre que les goûts et manières de lire dépendent aussi du degré et des modalités d’insertion dans les sociabilités spécialisées et les pratiques amateur propres à l’univers culturel du manga. Les lecteurs et lectrices façonnent en effet des catégories de perception, interviennent pour sélectionner, traduire, diffuser et recommander des mangas, et s’investissent dans des faisceaux de pratiques amateur (ou des activités professionnelles autour du manga). Ils donnent ainsi à voir les traces de leur appropriation des mangas (sous forme de fanfiction, de dessin, de billet de blogs, etc…) et de leurs luttes symboliques ordinaires, tout en forgeant des incitations à lire. Cette thèse met ainsi en lumière la constitution et la différenciation des portefeuilles de goût en matière de manga, la combinaison et la variation des manières de lire, ancrées dans des expériences vécues ou des savoirs spécialisés.

This PhD thesis in sociology deals with the taste for « manga » (japanese comic books) and manga reading practices in France from the 1970s to the 2010s. Through documents analysis and in-depth interviews with 80 adult readers (born between the 1950s and the 1980s), it aims to shed light on the emergence of manga as a category of printed materials and digitised content, on the expansion of a specific cultural universe around this kind of symbolic goods (festivals, shops,magazines, blogs, etc), and on the constitution, expression and transformation of the interviewees’ reading tastes and habits. A sociohistorical approach distinguishes between different periods and patterns of manga « supply » in France and stresses the solicitations encountered by manga readers in a variety of historical and biographical contexts. Thesesolicitations give form to their reading expectations and include in particular their sociability networks, communication devices, and their uses of a bundle of festivals, gatherings and digital resources. This work takes more broadly into account the historical forms and the various uses of the japanese « media mix » in France (i. e. the links between manga, TV animation series, videogames and various by-products). The appropriations of these sets of solicitations depend onthe cultural tastes and media literacies the interviewees have incorporated through long-time socialisation processes involving their family members, friends and interpersonal ties. Manga reading practices also vary along with historical transformations affecting their material aspects and publishing formats, their distribution networks, the volume and diversity of manga titles, the symbolic and moral frontiers delineating and arranging this area of symbolic production, the types of reviewing and promotional activities performed by publishers, journalists or amateurs. The interviewees’ reading careers vary in intensity, continuity and duration, and are embedded in their biographical trajectories, work-life balances and material living situations.The readers interviewed come in equal parts from upper, middle and popular classes, which allows to investigate the social differences in manga reading preferences and habits, and to draw attention to readers experiencing precarious situations (often neglected within fan studies). The dissertation shows that the cultural habits at stake in reading manga depend on thedegree and modality of integration within the specialized social networks and amateur cultural activities of diverse « manga fandoms ». The readers make up categories of perception, they select, translate and distribute manga versions, and participate in various amateur and fan practices. Thus, they display traces of their appropriations of manga titles (through a fanfiction, a drawing or a blog post) and of their ordinary symbolic struggles regarding manga, while shaping reading solicitations within their peer groups. This thesis studies the constitution and differenciation of their portfolios of manga tastes, the combination and variation of their reading habits, ranging from a variety of participative readings (connecting the manga with their life experiences) to analytical ones (connecting the manga with various bodies or pieces of (knowledge).