Thèse soutenue

Les fictions commentaires ˸ spéculations référentielles au tournant du XXIe siècle (Bolaño, Danielewski, Senges)

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Auteur / Autrice : Cyril Verlingue
Direction : Florence OlivierPhilippe Daros
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Littérature générale et comparée
Date : Soutenance le 07/12/2018
Etablissement(s) : Sorbonne Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Littérature française et comparée (Paris)
Partenaire(s) de recherche : établissement de préparation : Université de la Sorbonne Nouvelle (Paris ; 1970-....)
Laboratoire : Centre d'études et de recherches comparatistes (Paris)
Jury : Président / Présidente : Vincent Ferré
Examinateurs / Examinatrices : Florence Olivier, Philippe Daros, Vincent Ferré, Nathalie Piégay

Résumé

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Sous la catégorie de « fictions commentaires », cette thèse compare des romans au second degré, dont le processus fictionnel s’ancre dans la glose d’une œuvre première plus que dans la représentation référentielle. À rebours de l’intertexte destiné à s’intégrer et à nourrir la création, les fictions commentaires reposent plutôt sur une hypertextualité hétérogène, ainsi que sur des dispositifs enchâssés d’écriture, de lecture et d’édition. Avec les expérimentations de Mark Z. Danielewski (House of Leaves), les facéties de Pierre Senges (Fragments de Lichtenberg) ou les enquêtes de Roberto Bolaño (2666), l’écriture devient herméneutique, déchiffrement d’un manuscrit perdu, recherches bio-bibliographiques. Mais ces œuvres secondes ne sont pas nécessairement refermées sur elles-mêmes : en multipliant les références fragmentaires à leurs sources, que ce soit par l’annotation, l’allusion ou la représentation seconde, elles modifient en effet leur rapport à la référence, à la manière dont la fiction se construit sur un fondement implicite. Une figuration au second degré est en effet distincte de celle qui part d’un « cadre de référence », qu’il soit pensé comme le monde « tel qu’il est » ou considéré comme relevant de la perception, de constructions langagières ou de connaissances scientifiques. Les fictions commentaires interrogent donc les conditions de la représentation littéraire lorsqu’elle ne s’appuie plus seulement sur des figurations subjectives mais bien sur un objet qui obéit arbitrairement (mais sûrement) à ses propres règles. Elles substituent à la représentation mimétique d’un monde extralinguistique, la signification d’une œuvre déjà constituée. Ce déplacement ne constitue pourtant pas une simple abolition du référent. De cadre implicite et nécessairement dogmatique, la référence devient un substrat explicite, matériel et mobile, un point de départ contingent. Il devient possible de la soumettre à la variation, au doute, à la dés-illusion. Dans les fictions commentaires, le référent devient donc spéculatif. Notre travail voudrait penser ce transfert à l’aune des philosophies spéculatives contemporaines, telles qu’elles sont par exemple portées par Quentin Meillassoux, Graham Harman ou Tristan Garcia. En prenant le parti des choses, ces penseurs s’efforcent de débusquer l’absence de nécessité des lois physiques du monde. En effet, dans l’ontologie objet-orientée les choses hors de leurs représentations sont souvent pensées selon leur contingence. Les fictions commentaires réfèrent surtout à des objets – les œuvres premières – qu’elles commentent, glosent et modifient. Elles pourraient dès lors être conçues comme la figuration des virtualités présentes au cœur du réel et plus seulement comme l’image de possibles stipulés ou fantasmés. Dans cette perspective, il s’agira donc d’explorer le monde figuré par la littérature spéculative.