Thèse soutenue

Usages des espaces récréatifs : quand l’enfant questionne les normes de production de l'espace public. Le cas du quartier Villette à Aubervilliers (93) et de la Grande Borne à Grigny (91)

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Auteur / Autrice : Fanny Delaunay
Direction : Jean-Pierre Lévy
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Aménagement de l'espace, Urbanisme
Date : Soutenance le 10/12/2018
Etablissement(s) : Paris Est
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Ville, Transports et Territoires (Champs-sur-Marne, Seine-et-Marne ; 2015-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés (Noisy-le-Grand, Seine-Saint-Denis)
Jury : Président / Présidente : Philippe Bonnin
Examinateurs / Examinatrices : Jean-Pierre Lévy, Yankel Fijalkow, Maryvonne Prévot, Catherine Deschamps
Rapporteurs / Rapporteuses : Yankel Fijalkow, Maryvonne Prévot

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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Cette thèse vise à interroger les motifs des écarts d’usages au sein des espaces publics récréatifs mettant en tension les modalités de conception et de gestion du projet face à l’appropriation qu’en font les enfants. L’hypothèse centrale de cette recherche est que cet écart relève d’un processus de normalisation des usages des espaces publics où la ville récréative ne constituerait qu’un nouveau dispositif d’encadrement des pratiques de conception, de gestion et d’usages. Pour valider cette hypothèse, je m’appuie sur l’étude des processus de conception des espaces récréatifs et sur l’observation de leurs pratiques par l’enfant, qu’ils s’agissent d’espaces formels (squares, aires de jeux) ou informels (pieds d’immeubles, trottoirs, délaissés urbains). Usager en cours d’apprentissage des codes en vigueur dont le développement psychomoteur se réalise aussi par la transgression des règles, l’enfant constitue un individu particulièrement intéressant pour analyser les questions d’écarts à la norme. Afin d’identifier ses pratiques, une enquête par observation participante a été menée au sein de centres de loisirs situés en région Île de France : le quartier Villette à Aubervilliers (93) et la Grande Borne à Grigny (91). En tout, ce sont quarante-six enfants qui ont été entretenus au travers de cartes mentales, de parcours commentés outillés d’appareils photographiques, d’images aériennes, d’entretiens individuels et collectifs. Les propos recueillis ont été confrontés aux pratiques dans le cadre d’une observation flottante. En vue d’identifier les modalités de conception du projet, vingt-et-un entretiens semi-directifs auprès de concepteurs et de gestionnaires relevant de la maîtrise d’ouvrage ont été réalisés. En complément, une enquête archivistique présentant les évolutions des sites étudiés a été menée. L’enquête sur le quartier Villette-Quatre-Chemins révèle que les pratiques transgressives des enfants répondent à des besoins non satisfaits. Loin de s’organiser en opposition avec les règles en vigueur, les enfants reprennent à leur compte les logiques de fonctionnalisation des lieux, de segmentation et de mise en dialogue des espaces ludiques selon une logique de parcours, mais aussi de contrôle social. Les pratiques développées constituent ainsi une modalité de participation in situ à l’aménagement urbain s’appuyant sur des règles d’usage communément partagées. Néanmoins, les concepteurs peinent à lire cette parole silencieuse mais active, mettant en lumière une des raisons de l’écart entre l’espace conçu et vécu. La Grande Borne, grand ensemble emblématique des opérations conçues dans les années 1970 en France, mettant au centre du projet l’enfant, a pour espace public récréatif des œuvres d’art accessibles. La rénovation en cours mène à leur normalisation. Il s’agit alors de comprendre les motifs de celle-ci. Est-ce que ce sont les usages ou les représentations des espaces historiques de jeux qui ont évolué ? Cette question amène à analyser le processus de réalisation de projet qui met en évidence un conflit entre gestionnaires et concepteurs autour des enjeux de patrimonialisation et de normalisation. La rénovation réalisée renseigne sur les enjeux éducatifs de la ville récréative. Les résultats de cette recherche soulignent que, loin d’être anomiques, les pratiques de l’espace par l’enfant s’organisent dans un rapport dialectique avec les normes en vigueur. L’écart d’usages, perçu comme transgressif par les concepteurs et les gestionnaires, est en réalité une appropriation et un redéploiement de la norme. Les principes de normalisation des espaces de jeux, sous le couvert d’une sécurisation de tout un chacun, relèvent d’une sur-infantilisation de l’enfant. Les logiques de repositionnement du jeu dans l’espace public constituent alors davantage une actualisation des mécanismes de contrôle social qu’une attention à l’égard de l’enfant