Thèse soutenue

Les Travailleurs Indépendants Economiquement Dépendants (TIED) en France et au Brésil : analyse comparative d’une zone grise d’emploi

FR  |  
EN  |  
PT
Auteur / Autrice : Mathilde Mondon-Navazo
Direction : Patrick Dieuaide‬Cinara‎ Lerrer Rosenfield‎
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Économie
Date : Soutenance le 05/12/2016
Etablissement(s) : Sorbonne Paris Cité en cotutelle avec Universidade Federal do Rio Grande do Sul (Porto Alegre, Brésil)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Études anglophones, germanophones et européennes (2009-2019 ; Paris)
Partenaire(s) de recherche : établissement de préparation : Université de la Sorbonne Nouvelle (Paris ; 1970-....)
Laboratoire : Équipe de recherche Intégration dans l'espace européen (Paris)
Jury : Président / Présidente : Patrick Cingolani
Examinateurs / Examinatrices : Patrick Dieuaide, ‬Cinara‎ Lerrer Rosenfield‎, Patrick Cingolani, Claude Didry, Bernard Gazier, Marc Zune

Résumé

FR  |  
EN  |  
PT

Cette recherche porte sur une catégorie spécifique de travailleurs, les Travailleurs Indépendants Economiquement Dépendants (TIED), qui associent une indépendance juridique à une dépendance économique vis-à-vis d’un seul client. En cumulant des caractéristiques typiques des deux catégories classiques que sont les salariés et les travailleurs indépendants, les TIED s’inscrivent dans une zone grise du marché du travail. A partir d’une étude qualitative menée auprès de TIED français et brésiliens du secteur des Technologies de l’Information, nous nous interrogeons sur la signification sociale de cette forme d’emploi hybride et sur la façon dont elle émerge sur des marchés du travail aussi différents que ceux de la France et du Brésil. L’analyse des conditions de travail des enquêtés permet d’abord de situer les TIED sur un continuum entre salariat déguisé et véritable travail indépendant et de distinguer deux profils-types : les prestataires intégrés à la structure commanditaire et les indépendants en transition. Pour étudier les trajectoires professionnelles de ces travailleurs, nous mobilisons ensuite l’approche par les capabilités d’Amartya Sen (2000) : nous montrons que les parcours des TIED – privés des protections du droit du travail par leur indépendance juridique – reposent sur des processus d'accumulation et de conversion de différents types de ressources en libertés réelles (ou capabilités). De plus, si l’approche de Sen permet d’expliquer les différences de capabilités observées au sein de notre échantillon, nous proposons d’enrichir son cadre d’analyse afin de l’adapter à l’étude de trajectoires socioprofessionnelles. Les analyses réalisées nous conduisent enfin à distinguer deux groupes d’enquêtés, les ''TIED réticents'' et les ''TIED épanouis'' : les TIED réticents, plus nombreux au Brésil, expriment un attachement fort au salariat, alors que les TIED épanouis voient dans la position de TIED une façon d’échapper à des emplois décevants et trouvent souvent avantage à une situation qui leur offre plus d’autonomie que le salariat et plus de confort que la véritable indépendance. En nous appuyant sur les travaux de Fraser (2010) et Boltanski et Chiapello (2011), nous montrons comment le positionnement des TIED épanouis contribue indirectement à la remise en cause du rôle de l’Etat social.Les TIED apparaissent en définitive comme une figure emblématique d’un processus ambivalent d’individualisation qui contribue à l’émergence d’un sujet en quête d’autonomie, délié de ses appartenances traditionnelles, tout en favorisant une confrontation directe de l’individu avec le marché qui accroît les inégalités. Dès lors, si les désirs d’émancipation et d’autonomie des TIED épanouis nous semblent devoir être pris au sérieux, une réflexion s’impose sur les mesures susceptibles d’étendre les capabilités des individus tout en luttant contre l’exacerbation des inégalités et en préservant un système de mutualisation des risques fondé sur la solidarité.