L'Iran et le spectre de la démocratie
Auteur / Autrice : | Mehdi Aslanzadeh |
Direction : | Bernard Boëne |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sciences politiques |
Date : | Soutenance le 29/09/2015 |
Etablissement(s) : | Toulouse 1 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Droit et Science Politique (Toulouse) |
Partenaire(s) de recherche : | Equipe de recherche : Groupe de Recherche sur la Sécurité et la Gouvernance (Toulouse) |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Mots clés libres
Résumé
La démocratie a besoin de citoyens dotés de raison, de culture, de vertu et d’esprit public. C’est là l’exigence qui la différencie fondamentalement du despotisme. Le choix de l’une ou de l’autre forme politique influe puissamment sur la socialisation, donc sur les mœurs, qui en retour l’influencent. L’Iran, au cours de son histoire millénaire, avait choisi son camp en liant le bonheur du peuple à sa soumission au Roi. Le despotisme s’enracine dans les institutions, les mentalités et les habitudes des Iraniens, lesquelles se modifient difficilement. Si la modernité instrumentale (technologie) et sociale (éducation, urbanisation) progresse, elle n’a jusqu’ici guère affecté le domaine de la pensée, créatrice d’un nouveau rapport social et politique. La culture iranienne reste hétéronome et dépendante de la tradition, elle-même tributaire de la religion. Voici le paradoxe iranien : on veut le progrès, mais aussi la conservation de ce qui l’arrête ou le ralentit ! Le politique, en Iran, dispose de deux sources de légitimité. Lune, divine, vient de la Charia et se réfère au monde au-delà ; l’autre, profane et humaine, procède de la Constitution. Le conflit entre elle apparaît dès lors que la première est considérée comme supérieure à la seconde, quelle contraint, rendant très difficile une possible transition du régime théocratique au régime démocratique. Pourtant, la démocratie ne manque pas d’alliés : cadres, fonctionnaires, enseignants, journalistes, écrivains, avocats ou ingénieurs, tous produits de l’émergence progressive de la société civile et d’une classe moyenne formée par la modernisation des Pahlavi, et qui s’épanouit de façon autonome sous la République Islamique. Munie d’un capital culturel élevé, cette classe aspire au pluralisme, à la méritocratie et à la participation aux prises de décisions. Au plan sociologique, société civile et classe moyenne autonomes sont le fruit d’une urbanisation rapide et de l’accès généralisé à l’enseignement supérieur. Au plan structurel, leur émergence répond à l’un des prérequis de la démocratie. Au plan culturel, les normes sociales nouvelles qu’elles mettent en place remplissent une autre condition du processus de démocratisation, et en déterminent le résultat : les valeurs démocratiques se concrétisent à l’échelle familiale dans le refus du patriarcat, et percolent jusqu’au niveau politique. Ces changements contribuent à renforcer la société civile, laquelle a beaucoup de mal à accepter l'islam politique comme référence unique et sacrée. Ses acteurs, malgré leurs progrès apparents, doivent prendre conscience de la nécessité pour eux de réduire leur dépendance à l’égard de l’État, et mettre en question les éléments constitutifs de leur culture patriarcale comme source et justification ultime d’un despotisme théocratique qui enlève à l’espace public sa force et son élément vivifiant. Une évolution démocratique dépend aussi de forces sociales capables de faire contrepoids à l’État : d’une économie libérale, de cadres technocratiques, de partis politiques et d’associations capables de refléter la diversité de la société. Or, en dépit d’éléments favorables à la démocratisation, la société civile iranienne en est encore dépourvue. Il y a malgré tout des raisons de penser que l’amélioration de la situation socioéconomique contribue à accroître l’efficacité de la société civile. Mais il ne faut pas se tromper : la libéralisation économique et sociale n’est pas la conséquence nécessaire de la croissance du secteur privé. Au contraire, si le développement économique de long terme contribue à la consolider, c’est la démocratisation qui entraînera une expansion générale du secteur privé, car la démocratie renforce les segments les moins dépendants de l’État.