Thèse soutenue

Lumière de la vie

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Auteur / Autrice : Clément Layet
Direction : Emmanuel Cattin
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Doctorat Philosophie
Date : Soutenance le 22/02/2013
Etablissement(s) : Clermont-Ferrand 2
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Laboratoire Philosophies et rationalités
Jury : Président / Présidente : Dominique Pradelle
Examinateurs / Examinatrices : Jean-François Courtine, Philippe Büttgen, Didier Franck, Gerald Wildgruber
Rapporteurs / Rapporteuses : Jean-François Courtine, Philippe Büttgen

Résumé

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Le divin peut-il être à la fois mort et vivant ? Résonnant pour nous à partir de Nietzsche et de Heidegger, cette question traverse l’œuvre, d’abord poétique mais aussi pleinement philosophique, de Friedrich Hölderlin (1770-1843). Dès la querelle du panthéisme qui anime le débat intellectuel germanique au cours des années 1780, le dieu de la métaphysique identifié avec le dieu chrétien semble perdre son effectivité. Mais le divin n’est pas seulement pour Hölderlin un contenu dogmatique ou conceptuel : il désigne avant tout le lien qui s’établit avec la nature lorsque l’homme réfléchit le sentiment que celle-ci produit en lui-même. Dès lors, même s’il semble exposé à la mort en tant que Créateur transcendant du monde, Dieu ne cesse pas de pouvoir être approché comme la source vive de toute apparition. Il ne se manifeste toutefois comme tel qu’à condition de s’effacer comme antériorité et de donner lieu aux choses singulières, en une rupture de toute union prétendument originelle. Or, dire que le principe doit nier sa propre primauté, c’est dire que l’un tend à se séparer de soi pour accéder à sa propre unité, et qu’il doit nécessairement produire une image de lui-même. En défendant cette thèse héritière d’Héraclite et du néoplatonisme, Hölderlin s’oppose aux philosophes idéalistes subjectifs, qui identifient alors le principe de toute réalité avec le Moi, et il s’expose du même coup à l’objection d’être incohérent et exalté. Mais l’effet produit par ses poèmes, par son roman et par sa tragédie fait s’évanouir tout soupçon de Schwärmerei. La poésie hölderlinienne est réellement image de Dieu. L’étude de la méditation et de la mise en œuvre progressive d’une telle effectivité exige de distinguer trois périodes dans le développement de sa pensée. Entre 1785 et 1795, Hölderlin s’efforce de parvenir, après avoir lu Kant, Schiller, Fichte et Schelling, à une compréhension à la fois non subjective et non dogmatique de l’être. Entre 1795 et 1802, en nommant le principe à la fois « beauté » à partir de Platon et « un se différenciant en lui-même » à partir d’Héraclite, il conceptualise les moyens de traduire poétiquement la profusion de la vie divine. Entre 1802 et 1843, comme si la mort de Susette Gontard, l’isolement et la folie affrontés sur le plan biographique rejoignaient, sur les plans théorique et poétique, la méditation de Pindare, de Sophocle et de la figure du Christ, Hölderlin montre la dépendance de l’infini à l’égard de la finitude. Ainsi son œuvre entière donne-t-elle à voir, en sa tension interne entre le poème et la philosophie, la vie divine harmoniquement opposée.