Apprentissage et mémoire chez les insectes vecteurs de maladies humaines
Auteur / Autrice : | Clément Vinauger |
Direction : | Claudio Lazzari |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sciences de la vie |
Date : | Soutenance le 21/10/2011 |
Etablissement(s) : | Tours |
Ecole(s) doctorale(s) : | Ecole doctorale Santé, sciences, technologies (Tours) |
Partenaire(s) de recherche : | Equipe de recherche : Institut de Recherche sur la Biologie de l'Insecte (Tours) |
Jury : | Président / Présidente : Jérôme Casas |
Examinateurs / Examinatrices : Marcos Pereira | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Michael Lehane, Martin Giurfa |
Résumé
En permettant aux animaux de faire face à des environnements variables, l'apprentissage et la mémoire contribuent à l'optimisation de leur fitness, en leur permettant d'extraire et d'utiliser des informations, de façon à réduire l'incertitude associée à des environnements imprévisibles. Parmi les insectes, la drosophile et l'abeille domestique sont considérés comme des modèles classiques pour l'étude de l'apprentissage et de la mémoire. Les travaux réalisés sur ces derniers ont apporté une quantité considérable d'informations concernant les bases génétiques, neurobiologiques et moléculaires de ces processus, et ont permis de rendre compte du niveau de complexité des capacités cognitives des insectes. Cette somme de connaissances fondamentales acquises chez ces insectes contraste étonnamment avec le faible niveau de connaissance concernant la cognition des espèces impliquées dans des problématiques qui touchent la santé humaine et animale. Pourtant, il est largement admis que l'étude détaillée des capacités cognitives des insectes vecteurs de maladies constitue un aspect prioritaire pour la compréhension de leurs adaptations à la vie hématophage, de leur importance vectorielle, ainsi que pour le développement de nouveaux outils pour leur contrôle. Les travaux réalisés à ce jour chez les vecteurs, principalement chez les moustiques, ont été menés dans des contextes naturels ou peu contrôlés et ne proposent donc pas de démonstration formelle d'apprentissage. Le principal objectif de ce travail de thèse est de proposer un cadre expérimental contrôlé permettant de mettre en évidence et caractériser les capacités d'apprentissage chez la punaise hématophage \textit{Rhodnius prolixus}. \`A la différence des moustiques, les caractéristiques biologiques de cette punaise hématophage, responsable de la transmission de la Maladie de Chagas en Amérique Latine, permettent l'adaptation de protocoles expérimentaux largement validés chez les drosophiles et l'abeille domestique. Nos résultats montrent dans un premier temps que ces insectes sont capables d'apprendre et d'associer la présentation d'une même odeur dite neutre (l'acide lactique), c'est-à-dire qui ne provoque ni attraction ni répulsion lorsqu'elle est présentée seule, avec soit la possibilité d'obtenir une récompense (un repas sanguin, conditionnement appétitif), soit avec la possibilité de recevoir une punition (un choc mécanique, conditionnement aversif). Nous avons également montré que l'apprentissage et la mémoire sont également impliqués dans le choix des hôtes. Les insectes ont en effet associé la présentation d'un choc mécanique avec le complexe d'odeur d'hôtes naturels, biaisant leur préférence lors d'un test de choix réalisé après l'entraînement. Dans un second temps, nous avons adapté à notre modèle d'étude le paradigme de conditionnement de la réponse d'extension du proboscis, développé chez les modèles classiques, ce qui a permis la caractérisation des capacités d'apprentissage, de la durée de rétention à la régulation par des horloges circadiennes. Ces travaux proposent également un paradigme expérimental, reproductible et efficace permettant d'analyser les mécanismes fins qui sous-tendent les processus d'apprentissage et de mémorisation. Dans son ensemble, cette étude apporte la première preuve expérimentale de la capacité d'apprentissage d'insectes vecteurs de la maladie de Chagas et propose des outils expérimentaux et méthodologiques permettant d'améliorer la compréhension des processus associés chez les insectes hématophages en général. Les résultats sont également discutés dans le contexte de la sélection d'hôte et de la transmission des parasites.