Thèse soutenue

Les origines et le monde. Réformes des réguliers, pouvoirs et société dans le diocèse de Clermont, vers 1420- vers 1680

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Auteur / Autrice : Grégory Goudot
Direction : Bernard Dompnier
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire
Date : Soutenance le 26/11/2011
Etablissement(s) : Clermont-Ferrand 2
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale des lettres, sciences humaines et sociales (Clermont-Ferrand)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Centre d'histoire Espaces et cultures (Clermont-Ferrand)
Jury : Président / Présidente : Alain Tallon
Examinateurs / Examinatrices : Jean-Marie Le Gall, Frédéric Meyer, Ludovic Viallet, Joseph Bergin
Rapporteurs / Rapporteuses : Jean-Marie Le Gall, Frédéric Meyer

Résumé

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Jamais le Monde n’aura autant envahi les cloîtres qu’à la faveur de leurs réformes, là où l’idéal de reformatio commande volontiers à ceux qui ont souhaité fuir le Siècle de s’en retrancher toujours plus nettement. Tel est l’apparent paradoxe de la spirale réformatrice dans laquelle s’engouffre vers 1420 et pour deux siècles et demi cette terre de vieille tradition monastique qu’est le diocèse de Clermont. De quelle marge de manœuvre les ordres religieux disposent-ils dans ces entreprises qui rythment leur existence au premier âge moderne ? Précoce et puissant jusqu’en 1560, le revival monastique et conventuel de la Renaissance est d’abord confisqué par les princes, puis par la monarchie et ses évêques, mais l’effacement graduel des pouvoirs temporels entre 1520 et 1550 ouvre la voie à de nouvelles préoccupations pastorales sous l’épiscopat de Guillaume Duprat (1529-1560), précurseur du modèle tridentin et protecteur éminent des Minimes et des Jésuites. La conjonction de sa mort en 1560 et du déclenchement des guerres de religion met pour quatre décennies les réformes en sommeil ; pourtant les temps lourds du second XVIe siècle fondent le renouveau catholique qui fait rage après la pacification henricienne. Alors que les souverains aspirent à nouveau depuis 1560 à réformer l’Église gallicane et que la conversion d’Henri IV donne naissance à une monarchie dévote dont le règne de Louis XIII marque l’apogée, la primauté donnée par la réforme romaine à la mission pastorale de l’évêque sonne le glas de l’action concertée d’autrefois. L’autonomisation du pouvoir épiscopal, dont les choix politico-religieux de l’évêque réformateur François de La Rochefoucauld (1585-1610) sont à la fois indice et vecteur au temps de la Ligue, culmine sous les épiscopats des frères Joachim (1614-1650) et Louis (1651-1664) d’Estaing, puis de Gilbert de Veny d’Arbouze (1664-1682), qui ne craignent pas d’en remontrer au souverain duquel ils tiennent leur siège. Jusqu’en 1650, monarchie et épiscopat réforment et fondent plus que jamais, mais ne le font plus de concert : aussi le leadership réformateur se fragmente, s’atomise, se déplace vers les environnements locaux, au profit des laïcs autrefois écartés des affaires. À la faveur de la recharge sacrale née des clivages confessionnels, des dévots au profil atypique — une noblesse militaire et terrienne, farouchement catholique mais peu compromise dans la Ligue —, surtout des femmes et des veuves, promeuvent la diffusion des instituts emblématiques de la renaissance catholique, avant de céder vers 1640 les premiers rôles à une notabilité officière urbaine qu’intéresse bientôt davantage l’action charitable. Lâchées dans l’espace public, les réformes mobilisent et transforment des villes qui font d’elles un nouveau motif de rivalité pour s’en détourner entre 1660 et 1670, en même temps que la monarchie louis-quatorzienne acquise aux théories mercantilistes, plus attentive à la défense de l’orthodoxie qu’à la réforme de la structure ecclésiale. Si bien qu’en dernière analyse, si la multiplication effrénée des acteurs, des interlocuteurs et des soutiens potentiels a pu faire au temps de l’euphorie le jeu des projets réguliers, elle les a assujettis en contrepartie aux caprices d’un Monde qui les enterre en quittant une modernité pour une autre.