Thèse soutenue

L’idéologie incarnée. Représentations du corps dans le premier Cycle de la Croisade (Chanson d’Antioche, Chanson de Jérusalem, Chétifs)

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Auteur / Autrice : Magali Janet
Direction : Catherine Croizy-Naquet
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Langue et littérature françaises
Date : Soutenance le 27/11/2010
Etablissement(s) : Paris 10
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, langues, spectacles (Nanterre, Hauts-de-Seine ; 2000-....)
Jury : Président / Présidente : Jean-Pierre Martin
Examinateurs / Examinatrices : Catherine Croizy-Naquet, Jean-Pierre Martin, Laurence Harf-Lancner, Jean-Pierre Bordier, Dominique Boutet
Rapporteurs / Rapporteuses : Jean-Pierre Martin, Laurence Harf-Lancner

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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Le premier cycle de la croisade engendre une écriture qui lance l’histoire de la communauté franque en Terre sainte et qui pose les fondements d’une culture par la mise en œuvre d’un système de valeurs et de croyances. Or ce sont les corps des différents personnages mêlés au pèlerinage et aux combats, objets de toutes les attentions dans la chanson de geste, qui portent ces valeurs. Il s’ensuit que les représentations très orchestrées des acteurs de la croisade relèvent d’une mise en scène élaborée. Le corps apparaît comme un analyseur efficace. Et considérer les corps des différents protagonistes, leur apparence (aspect physique, armes et vêtements), leur mode d’expression (voix, postures, gestes et actions), leurs besoins et appétits (alimentaires et sexuels), leur destinée enfin (blessures, souffrances, mort et funérailles), offre l’opportunité de rencontrer de plein fouet cette idéologie en mouvement. L’analyse du vocabulaire anatomique et de ses emplois révèle les tensions qui parcourent des œuvres où les normes imposées au corps (convenances, mesure, action efficace, ascèse, sobriété) excitent à la transgression et se heurtent à certains dérèglements parmi lesquels se trouvent des déviances (monstruosités physiques, écarts sexuels et anthropophagie) et des outrances (gesticulations, plaintes excessives et luxe). Une fois ces tensions appréhendées, il devient possible de préciser comment, œuvre après œuvre, la figuration des personnages organise une discrimination des populations en fonction de leurs attitudes par rapport aux normes. La différenciation s’avère complexe parce qu’elle subit des modulations à mesure que le cycle avance et parce qu’elle sort parfois de l’opposition binaire et manichéenne entre chevaliers croisés et Sarrasins. Le regard porté sur le corps des Tafurs, une troupe de gueux en marge de la communauté franque, modifie et nuance l’antagonisme entre groupes ethniques et religieux que la chanson de geste traite habituellement, et ce faisant, amène à reconsidérer les enjeux idéologiques et génériques de chaque œuvre. Le corps des Tafurs qui tient la gageure de sembler tout à la fois proche et différent de celui des chevaliers crée un changement majeur : il conduit à penser les identités du croisé et du Sarrasin autrement. Les chansons d’Antioche, de Jérusalem et des Chétifs proposent en somme une réflexion d’ordre anthropologique sur les notions conjointes d’identité et d’altérité. Cette réflexion prend corps dans une écriture qui maîtrise et exalte les valeurs de la croisade, une poétique de l’excès régulé, et s’appuie sur des procédés caractéristiques d’autres genres, conduisant à envisager les œuvres comme des « formes limites » de la chanson de geste parce qu’elles tendent vers l’historiographie, l’hagiographie et le roman chevaleresque, dans une « tendance holistique » propre à la chanson de geste.