Thèse soutenue

Les Espèces végétales rares ont-elles des caractéristiques écologiques et biologiques qui leur sont propres ? : Applications à la conservation de la flore en Languedoc-Roussillon

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Auteur / Autrice : Sébastien Lavergne
Direction : Max Debussche
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Biologie de l'évolution et écologie
Date : Soutenance en 2003
Etablissement(s) : Montpellier, ENSA

Résumé

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L'objectif général de cette thèse est de déterminer quelles caractéristiques écologiques et biologiques sont les plus récurrentes chez les espèces végétales rares en Région Méditerranéenne, puis d'utiliser ces résultats pour décrire des mécanismes généraux créant et maintenant des différences interspécifiques d'abondance ou de distribution. Une synthèse méthodologique est d'abord proposée, reprenant les définitions et les mesures de rareté employées en écologie, les biais inhérents à la mesure de la rareté, ainsi que la méthodologie requise pour mettre en évidence des «syndromes» de rareté. Une démarche en trois étapes a été ensuite utilisée pour réaliser l'objectif de la thèse. L'influence des facteurs historiques, écologiques, et biologiques sur les changements d'abondance et de distribution des espèces rares, ont été analysés sur le département de l'Hérault, de 1886 à 2001. L'utilisation d'un SIG et de modèles spatialisés ont montré la tendance des espèces rares à se trouver dans des habitats d'altitude, dans des zones d'agriculture extensive, composées de prairies permanentes et de landes peu productives. Entre 1886 et 2001, la majorité des régressions et des extinctions locales d'espèces rares ont eu lieu dans les zones où la pression anthropique s'est fortement intensifiée depuis la fin du XIXt0mc siècle. Les groupes d'espèces rares ayant subi des régressions et extinctions drastiques ont pu être caractérisés: ces espèces sont principalement des Brassicaceae, Poaceae, Orobanchaceae, Gentianaceae et Papaveraceae, des espèces hydrophytes et des chaméphytes. Ces espèces en régression 'sont aussi majoritairement des espèces de large distribution Eurosibérienne, trouvant généralement leur limite Sud d'aire de distribution dans la région Méditerranéenne. Entre 1886 et 2001, les espèces endémiques restreintes présentes dans la zone d'étude ont, au contraire, montré de très fortes probabilités de persistance à l'échelle locale. Une analyse utilisant 20 contrastes phylogénétiquement indépendants entre espèces congénériques endémiques et largement répandues a été ensuite utilisée. Les espèces endémiques montrent une différenciation récurrente pour des habitats rocheux, pentus, à végétation basse et ouverte, et ont des statures significativement plus basses que leurs congénères largement répandues. Elles présentent aussi des fleurs plus petites, avec un plus faible ratio pollen / ovule et des productions individuelles de graines plus faibles. Les espèces endémiques occupent donc principalement des habitats contraignants, mais où la compétition pour la lumière est faible, ont des stratégies de reproduction plus autogames, et possèdent un plus faible pouvoir colonisateur. La mesure de traits écophysiologiques n'a montré aucune différence générale de capacités d'acquisition de ressources entre espèces endémiques et répandues. Les espèces endémiques ne présentent donc pas de svndrome de résistance au stress, comme cela a été proposé dans la littérature. Pour comprendre l'importance relative des interactions avec les insectes prédateurs et pollinisateurs dans la limitation de la fertilité femelle des espèces endémiques, une des 20 paires d'espèces a été étudiée expérimentalement pendant 2 ans : Aquilegia lviscosa Gouan, espèce endémique, et A. Vulgaris L. , largement répandue. Des expériences d'exclusion de prédateurs ont montré que la fertilité femelle des plantes est limitée de manière beaucoup plus forte chez A. Viscosa. Son succès reproducteur semble aussi être limité par de faibles taux de visites de pollinisateurs, mais des pollinisations contrôlées ont montré que les deux espèces possédaient la même capacité à produire des graines en l'absence de pollinisateurs. Une analyse par contrastes phylogénétiquement indépendants basée sur 18 espèces de Ranunculaceae a montré une relation positive entre taille d'aire de distribution, ratio pollen/ovule et ratio graine/ovule en conditions naturelles, mais pas de relation avec le ratio graine/ovule en l'absence de pollinisateurs. Ceci suggère que le potentiel de colonisation à long terme de ces espèces, pérennes pour la plupart, peut être lié à l'allogamie et au succès reproducteur, mais pas à la capacité à produire des graines en l'absence de pollinisateurs. L'utilité de ces résultats pour la conservation a été discutée en conclusion, et notamment, leur intérêt pour mieux décrire les espèces en régression sur le pourtour méditerranéen, et, pour comprendre le fonctionnement biologique des espèces endémiques. Ce travail avait aussi pour but de proposer une méthodologie générale pour étudier les espèces végétales rares dans l'urgence des enjeux actuels de conservation, et ce, en mettant d'abord en évidence des syndromes généraux, puis en étudiant plus précisément des espèces représentatives de ces syndromes.