Trois poètes face à la crise de la tradition au tournant du siècle (1890-1929) : Hugo von Hofmannsthal, Paul Valéry, Rainer Maria Rilke
Auteur / Autrice : | Jean-Yves Masson |
Direction : | Pierre Brunel |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Littérature comparée |
Date : | Soutenance en 1998 |
Etablissement(s) : | Paris 4 |
Mots clés
Résumé
Cette thèse se propose d'aider à redéfinir le concept de tradition en littérature à partir de l'étude comparée de trois poètes majeurs du tournant du siècle. Strictement réservée au domaine religieux à l’âge classique, la notion de tradition a été appliquée à la littérature vers le milieu du XIXe siècle ; ce glissement correspond certes à la naissance de l'idée de modernité, mais surtout à la prise de conscience de la nature conventionnelle du langage : la langue n'a d'autre justification que d'être héritée. Dans ce contexte, Hofmannsthal, Valéry et Rilke ont en commun de partir d'une mise en doute radicale de la capacité du langage à exprimer adéquatement la singularité du moi, mais aussi la diversité du monde. Leurs œuvres représentent trois manières de dépasser cette crise de confiance dans le langage comme véhicule de l'héritage, dont le corollaire est une triple redéfinition de la place du sujet dans l'acte créateur, de la place de l'artiste dans la société, et de la place de la parole poétique par rapport au monde. Hofmannsthal, qui se décrit comme un héritier, renonce au culte des valeurs esthétiques qui, dans sa jeunesse, menaçait l'ordre du monde et la cohérence du moi, pour placer au premier plan la dimension éthique de l'acte créateur. Au narcissisme « passif » de Hofmannsthal s'oppose le narcissisme « actif » de Valéry, qui n'abandonne la poésie que pour se livrer tout au long des cahiers à un examen impitoyable de l'héritage et revenir finalement avec La Jeune Parque à une conception de "l'art des vers" qui se veut délivrée des illusions de la tradition. Rilke enfin, qui souffre dès le début de son œuvre du sentiment que le lien avec l'héritage lui est refusé, travaille à se créer sa propre tradition, à consolider un moi fragile, et parvient, à la fin des élégies de Duino, à dépasser la crise en restaurant le droit du poète à nommer le monde, et par-delà, la fonction initiatique de la poésie.